« Why do these people keep assuming we’re gay? » : Supernatural et la représentation queer

Spoilers pour l’intégralité de la série Supernatural, duh.

Une chose est sûre : si, un an plus tôt, vous m’aviez dit que je serais aujourd’hui une fan de Supernatural, je ne vous aurais pas cru. J’ai toujours eu quelques “principes” en ce qui concerne les fictions que je consume : l’ordre de visionnage de Star Wars est Rogue one, 4, 5, 6, 1, 2, 3, 7, 8 et malheureusement 9 (on ignore Solo ici) ; quand on parle d’adaptation, les différences n’ont aucune importance si le film est bon (mais s’il est mauvais, alors on peut bitcher comme on veut) ; et bien sûr, je ne regarderai jamais Supernatural. Mais le monde est imprévisible et le 5 novembre 2020 m’a lancé dans une spirale, qui a mené à une obsession sur le ship Destiel, qui a mené vers mon visionnage de la série. 

Si vous étiez en ligne le 5 novembre, vous savez probablement qu’un événement majeur a eu lieu : Destiel, le nom que les fans ont donné à la relation entre Dean Winchester et l’ange Castiel, est canon? Après 12 ans de queerbaiting, alors que plus personne n’attend que Supernatural assume ses conneries, Destiel est canon?? Destiel, le juggernaut des fandom, THEE exemple de queerbait (littéralement, vous ne pouvez pas parler de queerbait sans que Supernatural fasse une apparition dans la discussion), est canon??? Autant vous dire, Supernatural a cassé internet. Bien sûr, les deux semaines suivantes ont un peu calmé tout le monde : après sa grande déclaration d’amour et sa mort immédiatement après, Castiel ne revient jamais dans la série, il est à peine mentionné et la série ne laisse jamais une chance à Dean de réagir et répondre à cette déclaration. Du grand Supernatural en somme : la série lance quelque chose qui promet d’être excellent et ne fait rien avec, le tout devenant juste incroyablement frustrant. 

Pourtant, malgré l’énorme (et compréhensible) déception, ayant regardé les 15 saisons, je ne suis pas surprise, pour deux raisons. La première, comme je l’ai dit, c’est que la série a une tendance pathologique à introduire des concepts avec des tonnes de potentiel qui finissent par être très mal exploités : les parallèles entre John/Dieu, Dean/Michael et Sam/Lucifer, introduit en saison 5, ne vont nul part parce que Michael et Lucifer, au final, ont très peu de développement ; les Léviathans proposent un concept cool avec une intrigue qui évoque L’invasion des profanateurs de sépultures ou Invasion Los Angeles mais qui au final sont juste ennuyeux ; les personnages qui se font tuer à la SECONDE où ils ont un minimum de développement (Victor Henriksen, Mick, Gabriel DEUX FOIS, d’une certaine façon Crowley…) ; le personnage de Jack Kline en général a beaucoup ce problème (il doit apprendre à utiliser ses pouvoirs/non en fait il disparait pour quelques épisodes et maintenant il sait s’en servir ; la relation entre Jack et Dean, Sam et Castiel va être centrale en saison 13/nope, il est envoyé dans un autre univers pour une grosse partie de la saison…) ; Dieu est le méchant de la saison 15 et Dieu, c’est Chuck, un écrivain, il y avait donc un ÉNORME potentiel pour explorer la méta-narrative de Supernatural, la mettre au centre de l’histoire et au final… pas vraiment. Donc ce n’est pas surprenant que Supernatural nous propose une romance queer à la fin de l’épisode 18 (d’une saison de 20 épisodes), après des années de queerbaiting et au final, ne fasse rien avec. C’est typique. 

Mais la deuxième raison, c’est que Supernatural a toujours eu une relation… compliquée avec la notion de queerness, dans le sens où je ne pense pas que les créateurs et scénaristes détestent les personnes LGBT+ mais en même temps, la série a toujours eu des problèmes d’homophobie, de façon plus ou moins subtile. La série a toujours été assez frileuse à l’idée de mettre du contenu légitimement queer, ce qui s’explique probablement par beaucoup de raisons, comme le fait que la série a commencée en 2005, une période où la représention des personnes LGBT+ à la TV était encore rare ou encore le fait que la série soit très populaire avec un public conservateur et que mettre du contenu LGBT, c’est prendre le risque de perdre une audience homophobe (pas une grande perte selon moi, mais bon, je ne suis pas en charge de la CW). Quelque soit les raisons, le fait est que la série n’a jamais vraiment évolué avec son temps, continuant à avoir un casting principal majoritairement blanc, hétéro (ou du moins perçu comme tel), cisgenre et masculin. Alors, quand on y réfléchie, faire de Dean Winchester un personnage canonique, ouvertement queer, c’était un risque qu’ils n’ont pas voulu prendre (même si c’était la fin de la série et qu’il n’y avait plus de risque au niveau de l’audience, mais bon, Jared Padalecki avait une nouvelle série sur la CW et il fallait bien essayer de ramener l’audience de Supernatural vers Walker). 

Pourtant, malgré cette réticence, des thématiques et personnages queers sont présents dans Supernatural. Des personnages comme Alan J. Corbett, Charlie Bradbury, Max Banes ou encore Crowley ont réussi à s’intégrer à l’histoire, laissant parfois un impact très fort et devenant des fan-favorites. Supernatural est une série d’horreur et qu’on le veuille ou non, les thématiques queers sont fortement liées au genre et la série joue avec ça, avec cette question de monstruosité en lien avec des identités marginalisées, pour le pire et le meilleur. Et bien sûr, le queerbait de 12 ans qu’a été Destiel, bien que tout ça soit bien plus complexe. C’est cette relation compliquée entre Supernatural et queerness que j’ai envie d’explorer aujourd’hui, pour célébrer le 5 novembre. Parce que quitte à perdre 2 mois de ma vie sur la série, autant capitaliser sur mes obsessions. Donc cet article a pour but de répondre à la question suivante : comment est-ce que Supernatural traite les thèmes et personnages LGBT+? Une question qui semble simple mais dont la réponse est ultra complexe et qui implique de se plonger d’abord sur la représentation queer de façon générale et ensuite d’explorer plus en détail le gros bazar qu’est Destiel. Shall we begin?

Petit avant propos

Avant de commencer, je pense qu’il va être important de rapidement définir quelques termes, histoire qu’on soit tous sur la même longueur d’onde. Notamment, je pense qu’il faut absolument définir les termes queer-coding et queerbaiting, parce que ce sont deux notions importantes et comprendre ce que je veux dire lorsque j’utilise ces termes me semble plutôt important.

Queer-coding est le fait d’écrire un personnage avec des sous-entendus queer, notamment en lui attribuant des clichés liés à l’orientation sexuelle et romantique. Le but étant de sous-entendre qu’un personnage est queer sans le dire explicitement. Cela peut se faire de pleins de façon : dans le comportement du personnage (avoir par exemple un personnage masculin agir de façon efféminée), en associant le personnage à des artistes ou œuvres de fictions liés à la culture queer (par exemple, un personnage va faire référence à un film queer ou être fan d’une œuvre culte dans les cercles LGBT+) ou encore, avec des éléments de décors ou de costumes (par exemple, avoir un personnage qui porte souvent des vêtements arc-en-ciel ou mettre un personnage dans un décors utilisant des lumières roses, violettes et bleus, les couleurs du drapeau bisexuel).

Le queerbaiting est une méthode de marketing qui consiste à sous-entendre du contenu queer afin d’attirer un public queer sans pour autant avoir la réelle intention de rendre ce contenu queer explicite. Cela ce fait souvent en créant une relation volontairement ambigüe entre deux personnages du même genre (les deux personnages seront officiellement amis dans l’univers de la série mais la relation sera écrite avec des sous-entendu romantiques) ou en faisant des référence à la possibilité qu’un personnage ne soit pas hétéro sans jamais confirmer sa sexualité (faire une blague sous-entendant qu’un personnage est gay sans que le personnage en question confirme ou nie par exemple).

Le fait est, en lisant ces deux définitions, vous pouvez voir où le problème est : la différence entre queer-coding et queerbaiting peut être très fine. Et la question se complique quand on ajoute à ça l’histoire du cinéma et du queer-coding : pendant très longtemps, il était impossible pour les créateurs d’inclure du contenu queer au cinéma et encore moins une représentation positive. De ce fait, le cinéma a développé pas mal de tropes qui sont aujourd’hui tellement intégrés qu’ils sont parfois utilisés sans recul critique. Par exemple, le trope du méchant efféminé (et donc, codés queer) est tellement intégré à la culture qu’il est parfois utilisé sans réel recul critique. Donc, concrètement, quelle est la différence?

Selon moi, la différence vient de l’intention. Le queer-coding ne peut venir que deux façons. La première, c’est purement accidentel : le créateur a utilisé un trope sans réfléchir à son origine et donc, on se retrouve avec un personnage queer-codé par accident. Le second cas, c’est volontaire et dans ce cas, c’est un créateur qui veut légitimement mettre du contenu queer dans une histoire et essaye de mettre discrètement ce contenu queer sans se faire censurer par les décisionnaires du studios/de la chaine de TV. Dans ce cas, on a un exemple honnête d’un créateur qui veut bien faire mais ne peut pas faire à cause d’une intervention extérieure. Par exemple, prenons la série Leverage, qui se concentre sur un groupe de voleurs et de hackeurs qui volent aux riches et essayent de combattre des injustices. Parmi les personnages principaux, on trouve Parker, Eliot et Hardison. La série fait beaucoup de queer-coding sur leur relation, sous-entendant que les trois personnages sont dans une relation polyamoureuse mais la série ne le confirme jamais explicitement. Le créateur est ouvert sur le fait que pour lui, les trois personnages sont en couple (ou plutôt en trouple) mais que le contenu de la série est aussi explicite que ce que la chaîne permet. Le créateur veut inclure de la diversité mais le network refuse d’être trop explicite, par peur de faire fuir une partie du public et donc, la relation n’existe dans l’œuvre que de façon sous-entendue.

En revanche, comme je l’ai dit dans la définition, le queerbaiting est avant tout une méthode marketing. Le queerbaiting est donc toujours conscient et toujours utilisé pour manipuler l’audience. Il est toujours, par définition, de mauvaise foi. Lorsqu’un film ou une série utilise du queerbaiting, la série ou le film cherche à vendre quelque chose à un public qui est assoiffé de représentation, tout en sachant qu’ils n’ont pas l’intention de réellement rendre ce qu’ils vendent canon. Par exemple, lors de sa promotion, la série Riverdale a mis en avant un baiser entre les deux personnages féminins principaux, Betty et Veronica : dans les faits, la série n’explore jamais de potentiel romance entre les deux personnes, qui sont toutes les deux dans des relations hétérosexuelles dans la série. Le baiser n’existe dans la série que pour le marketing. Alors, évidemment, « marketing » est à prendre au sens large : parfois, c’est comme l’exemple que je viens de citer, quelque chose qui est mis dans les bandes-annonces pour vendre l’œuvre. Mais dans le cadre des séries, ça peut parfois prendre une forme plus subtile : lorsqu’un personnage ou une relation est perçue comme queer par une part du public, les producteurs et les auteurs peuvent décider d’inclure du queerbaiting dans la série afin de conserver cette part du public, voir même d’attirer un nouveau public via du bouche à oreille. Mais ce qui définit avant tout le queerbaiting, c’est que c’est une démarche sans aucune sincérité et volontaire : on ne queerbait pas accidentellement et il n’a aucune valeur artistique.

Voilà, maintenant, on va parler de Supernatural.

Partie 1 – Une petite histoire de la représentation dans Supernatural

Dans cette première partie, je voudrais me concentrer sur la représentation queer dans Supernatural et mine de rien, ce n’est pas facile. Il y a beaucoup de choses à dire et c’est difficile de savoir comment les aborder, parce qu’après tout, tous les personnages ne sont pas créés égaux. Donc je pense qu’il y a un intérêt à discuter des différents « types » de représentations qu’on peut trouver dans la série et ce qui va et ne va pas avec. Parce que même s’il y a des choses à redire, il y a aussi du positif, parfois.

  1. Typologie des personnages queers

Le premier type de représentation, ce sont les personnages qui apparaissent pour un épisode (qu’on va appeler “personnages one off”), comme une victime, un proche de la victime, un membre des forces de l’ordre, et dont la sexualité n’a aucune importance. Ce que j’entends par là, c’est que si les personnages étaient hétéros, ça ne changerait rien à l’histoire en soi. On a quelques exemples de ça dans la série. Par exemple, on a la nièce de Donna, Wendy Hanscum, qui se fait kidnappé lors d’un épisode et dont le costume indique qu’elle est lesbienne (elle a un T-Shirt “love is love”). Ou encore Lily, l’une des enfants psychiques de l’épisode 21 de la saison 2 ; Jenna, l’adjoint du Shérif dans les épisodes 1 et 2 de la saison 11 ; Narfi, l’un des fils de Loki dans l’épisode 20 de la saison 13 ; Max et Stacy dans les épisodes 13 et 16 de la saison 14 ; Stevie, présente dans les épisodes 3 et 18 de la saison 15 ; Naoki Himura et sa femme dans l’épisode 16 de la saison 11. C’est aussi dans cette catégorie que je mettrais les figurants qui sont LGBT, comme le couple dans l’épisode 5 de la saison 6 (Dean et Sam pensent qu’ils sont des vampires mais en fait non) ou encore, le couple qui se sépare dans l’épisode 20 de le saison 14. Alors, en vrai, je n’ai rien contre ce genre de représentation, je dirais même plus, ce genre de représentation est cool. Supernatural est une série qu’on pourrait qualifier de semi-feuilletonnante, avec à la fois des intrigues qui se suivent au cours de la saison et un côté “monstre de la semaine”. Cela implique que Sam et Dean rencontrent constamment des gens qui ne vont apparaitre que pour un épisode (voir deux si le contexte s’y prête). Et dans la vraie vie, les gens sont queers et pas toujours parce que c’est utile au scénario. Donc il est normal d’avoir ce genre de représentation. Ceci étant dit, il y a bien sûr un “mais”, il y a un problème avec Supernatural et c’est la question de quantité. On parle d’une série de 15 saisons avec un total de 327 épisodes. Et la liste que j’ai fait ci-dessus, c’est la liste complète. Bon, j’ai pu en oublier quelques-uns et ce n’est pas le seul type de représentation mais ça reste un nombre extrêmement faible. Je ne dis pas qu’il devrait y avoir QUE des personnages LGBT+ dans ce type de rôle, mais quand on a 327 épisodes, ça fait un nombre vraiment très importants de personnages one off, avoir un nombre aussi faible n’est pas normal. Et autant je peux l’expliquer en saison 1 ou 2 (parce que c’était 2005), autant, à partir de la saison 8, ça devient beaucoup plus difficile à excuser (et je n’ai pas choisi cette saison au hasard, c’est la saison la plus gay de Supernatural, on en parlera plus tard). Donc c’est cool que ces personnages existent mais c’est très largement insuffisant. Encore une fois, en 327 épisodes, c’est quand même dingue que Sam et Dean n’aient jamais rencontré une seule personne trans qui travaille au Gas n Sip d’une ville random ou plus de victimes dont le conjoint est une personne du même genre qu’eux. Même si les gens veulent faire les malins et peuvent dire qu’il y a plus de personnes hétéros et cisgenres, statistiquement, ça reste insuffisant (encore une fois, le nombre de personne trans dans Supernatural est de 0 et je ne connais pas le pourcentage de personnes trans aux US mais je sais que c’est plus de 0%).

Ensuite, on arrive aux personnages one off qui sont queers MAIS, dans ce cas précis, ça a son importance, dans le sens où le fait qu’ils ne soient pas hétéros a une importance et ça ne fonctionne tout simplement pas s’ils ne sont pas queer. Dans cette catégorie, on peut retrouver différentes sous-catégories (oui, je ne me complique pas du tout la vie):
– Les personnages queers qui sont là pour faire une blague. On parle de personnages comme Damian et Barnes, les cosplayeurs de Dean et Sam (saison 5, épisode 9), Siobhan et Kristen, les deux lycéennes qui interprètent Dean et Castiel dans la comédie musicale Supernatural (saison 10, épisode 5). Là, le but est d’utiliser les relations de ces personnages pour faire une blague sur les ships populaires du fandom (Wincest dans les saisons précédentes et non, on ne va pas parler de ça, et bien sûr Destiel). On retrouve aussi cette façon d’utiliser les personnages queers pour faire rire avec des personnages comme Sue, désespérément amoureuse de sa meilleure amie sorcière (saison 7, épisode 5), le Chief, le dom professionnel d’un club BDSM (saison 4, épisode 12), Dwight Charles et Rod, les deux hommes du bar qui ont le coup de foudre l’un pour l’autre après l’intervention d’un Cupidon (saison 8, épisode 23). Il n’y a rien de mal en soi à vouloir faire de l’humour après, ma question reste toujours, pourquoi est-ce qu’on rit? C’est une question importante à se poser, surtout quand on parle d’une minorité marginalisée, car l’humour peut renforcer des idées négatives sur les personnes queers ou au contraire, remettre en question des stéréotypes. Sur ce point là, Supernatural est clairement inégal. Parfois, il est difficile de nier l’homophobie de la blague. Le cas de Sue est un bon exemple : la « blague », c’est que Sue est désespérément amoureuse de Maggie et qu’elle est quand même un peu pathétique à cause de ça. L’épisode clairement se moque d’elle pour ses sentiments pour Maggie, elle n’est pas montrée de façon très sympathique et elle finit par se faire tuer. Parfois, la blague cherche plus à jouer sur l’hétéronormativité supposée du spectateur. Dwight et Rod sont le parfait exemple : on a deux hommes très masculins dans un bar et une femme, Gail. On sait qu’un cupidon va passer et que Dwight est le prochain sur la liste. Les deux hommes sont physiquement assez masculins: barbe, chemise à flanelle, ils ressemblent à la plupart des chasseurs qu’on voit dans la série. Dean (et par extension, le spectateur), s’attend à ce que Dwight et Gail aient un coup de foudre mais plot twist: Gail est le cupidon et Dwight et Rod ont un coup de foudre instantané à la place. Ici, la blague n’est pas pour se moquer du fait que ces deux personnages sont gays, le but est de faire une blague au détriment du spectateur : vous pensiez ceci mais vous avez tort, vous ne devriez pas juger sur les apparences. C’est quelque chose que la série refait avec Jesse et César (saison 11, épisode 19), deux chasseurs qui sont en couple. Le problème avec Supernatural étant que c’est rarement aussi simple de définir si la blague se veut insultante ou réellement positive : Damian et Barnes sont utilisées pour faire une blague un peu moqueuse sur Wincest, mais en même temps, les personnages sont plutôt positifs et la relation elle-même n’est pas moquée. Le Chief est là pour faire une blague qui cherche plus à se moquer de Dean (un personnage extrêmement queer-codé mais jamais officiellement confirmé comme queer) que du Chief lui-même (donc, toujours une blague homophobe, mais pas pour moquer un personnage queer). C’est toujours le problème avec l’humour, c’est la ligne entre « positif » et « négatif » est parfois assez floue.
– Parfois, c’est une question de thème : les scénaristes cherchent à dire quelque chose en lien avec les questions LGBT+ et donc, on a des personnages pas très importants qui sont présents pour aller avec le thème. Par exemple, dans « Faith » (saison 1, épisode 12) l’une des victimes est un homme gay. On apprend que la méchante de l’épisode est une femme qui utilise une Faucheuse pour tuer des personnages qu’elle juge « immorales » et donner leur vie a des personnages qu’elle juge méritantes à la place. L’épisode cherche clairement à critiquer les dérives religieuses (puisque la femme et son mari ont formé un groupe religieux autour des supposés pouvoirs guérisseurs du mari) et en 2005, critiquer l’homophobie de la religion, c’était déjà assez cool. Sam et Dean sont scandalisés par cette mort et la trouvent révoltant et donc, parce qu’on s’identifie à eux, on nous demande d’être également horrifiés. On retrouve cette question de thème avec Connor dans « Gimme Shelter », qui parle également de religion, même si la question est abordée différemment.
– Enfin, je dirais qu’il y a les cas où le fait que le personnage soit queers est juste un aspect très important de l’intrigue. Par exemple, on a le cas d’Alan J. Corbett, dans l’épisode « Ghostfacers » (saison 3, épisode 13) : un des points les plus important de l’épisode, c’est qu’Alan est gay et a des sentiments pour Ed. Le traitement d’Alan est pour le moins ambivalent. D’un côté, c’est grâce à ses sentiments amoureux que les Ghostfacers, Sam et Dean parviennent à gagner : Ed parvient à sortir Alan de la genre de boucle dans laquelle il est coincé et ainsi, Alan parvient à les aider à gagner contre le fantôme de l’épisode. Mais en même temps, les sentiments d’Alan sont complètement tournés en dérision : c’est considéré comme comique qu’Ed soit obligé « d’être gay » pour Alan afin de le sortir de son « death echo » ; de même, lors de la conclusion de l’épisode, Ed et Harry disent qu’ils ont apprit beaucoup de chose notamment que « gay love can pierce through the veil of death and save the day » (pour traduire : « que l’amour gay peut percer à travers le voile de la mort et sauver tout le monde »), un sentiment qui pourrait être touchant, si encore une fois, ce n’était pas traité comme une blague. Alan est un personnage queer et héroïque mais aussi tourné en ridicule par l’épisode : ses sentiments romantiques sont une punchline. Dans cette catégorie, je dirais qu’on retrouve également le personnage de Jeffrey (saison 7, épisode 15), un personnage qui avait été possédé par un démon. Dans « Repo Man », on apprend ainsi qu’il est en réalité amoureux de ce démon et l’intrigue de l’épisode, c’est les efforts de Jeffrey pour convoquer le démon sur Terre. De plus, il y a aussi un argument sur le fait que Jeffrey est un miroir sombre de Dean et que ce que Jeffrey a vécu en perdant son démon est un parallèle de ce que Dean est en train de vivre après avoir perdu Cas (depression, descente dans l’alcoolisme…) et donc, qu’il y a également cet intérêt à faire de la relation entre Jeffrey et son démon une relation queer (puisque vous savez, le queer-coding/queerbaiting autour de Destiel). Ou encore, on a Gilda, la fée dans « Larp and the Real Girl » (saison 8, épisode 11), qui a un rôle de love interest pour Charlie ou encore Noah Ophis, le gorgon dans « Ouroboros » (saison 14, épisode 14), dont la bisexualité (puisqu’il mange des hommes et des femmes et l’épisode fait un clair parallèle entre son attirance sexuelle et ses habitudes alimentaires) est une part centrale du personne, si ce n’est sa caractéristique principale (on va pas rentrer dans les détails mais même avec le standard faible de Supernatural, Noah est une représentation ultra homophobe d’un personnage queer).

Enfin, il y a le dernier type important de personnages queers : les personnages importants, ceux qui reviennent dans plusieurs épisodes. Alors, peut-être que parfois je suis un peu généreuse dans qui a le droit à ce statut, mais pour moi, il faut revenir dans plusieurs épisodes et avoir des épisodes où le personnage à un rôle central. Dans cette liste, on retrouve l’amour de ma vie Charlie Bradbury, qui est présente dans 7 épisodes, Crowley (l’un des personnages qui apparaît le plus dans la série), Chuck Shurley/Dieu (18 épisodes), Max Banes (2 épisodes), Kaia Nieves (3 épisodes), Claire Novak (7 épisodes, en comptant son apparition en saison 4), Charlie de Apocalypse World (4 épisodes) et Castiel (je ne vais pas m’amuser à compter, il est le troisième personnage principal après Sam et Dean). Alors, on peut discuter sur pas mal de choses en ce qui concerne ces personnages, j’en parlerai plus en détail, car il y a des problèmes. Ceci dit, on ne peut pas reprocher à ces personnages d’être entièrement défini par leur sexualité : ils sont, avant toute chose, des personnages souvent plus ou moins complexes et leur sexualité n’est pas la seule chose qui les définit, juste un aspect de leur personne. Charlie, dès son introduction, est présentée comme une lesbienne et la série ne se détourne jamais de cela : « The Girl with the Dungeons and Dragons Tattoo » (saison 7, épisode 20) nous dit immédiatement que Charlie est une lesbienne et utilise même la situation pour créer une situation comique (qui n’est pas moqueuse de Charlie!) ; « LARP and the Real Girl » nous montre Charlie flirter avec pleins de filles et même avoir une rapide romance avec Gilda… De même, Crowley est explicitement queer (pansexuel selon l’acteur Mark Sheppard) et ceux dès son introduction en saison 5, mais ce n’est pas le centre de sa personnalité, il est avant tout intelligent, ambitieux, parfois un méchant et parfois un allié. Claire est avant tout défini par le traumatisme de son enfance (la perte de ses parents à cause de Castiel) et sa difficulté à trouver sa place dans une famille à cause du dit trauma. Max est réellement au centre d’un seul épisode (même s’il est présent dans deux), mais il a une personnalité très définie et c’est sa relation avec sa sœur qui est mise en avant (dans un parallèle assez explicite avec la relation entre Dean et Sam). La bisexualité de Chuck est mentionnée en une ligne mais ce n’est clairement pas ce qui définit le personnage parce qu’il est Dieu et que c’est un peu plus important. Bref, vous l’aurez compris, je pense qu’il y a beaucoup à reprocher à Supernatural quand on parle de représentation queer mais on ne peut pas nier que, lorsqu’ils y mettent l’effort, ils peuvent écrire d’excellent personnages queer.

Mais maintenant, il faut se pencher sur des problèmes plus spécifiques liés à la représentation queer dans Superntural et oh boy, il y a des choses à dire.

2. L’effacement de la queerness dans Supernatural : Be queer but not too queer

L’un des gros problèmes de Supernatural, c’est que la série peut écrire des personnages queers ou des intrigues queers… mais pas trop non plus. Il y a toujours cette ambivalence dans la série, où d’un côté, les scénaristes veulent inclure du contenu queer mais de l’autre, ils ne l’assument pas vraiment, comme s’ils voulaient garder un certain déni plausible (dans un sens comme dans l’autre). Ça peut également se mixer avec un certain inconfort de la part de la série à discuter ouvertement de la queerness. Ça se ressent de plusieurs façons.

Déjà, il y le problème assez bête du vocabulaire. Ça peut sembler stupide mais Supernatural n’aime pas utiliser le vocabulaire approprié pour parler des choses. Ce n’est pas spécifique à Supernatural bien sûr : il y a cet espèce de tabou dans les médias américains d’appeler un chat un chat. C’est pour ça que les personnages de fiction sont rarement bisexuels mais « qu’ils ne veulent pas se mettre de label », qu’ils « swing both ways » ou autre euphémisme. On voit se problème dans Supernatural : c’est explicite dès sa première apparition que Charlie est une lesbienne mais la série n’utilise jamais le mot lesbienne, c’est toujours « elle aime les filles » ou quelque chose du style. De même, si la série aime BEAUCOUP utiliser le mot « gay » comme une insulte (particulièrement dans les premières saisons), il est très rarement utilisé pour définir des personnages légitimement gay (Max Banes n’est pas « gay », sa mère lui a appris à chasser des monstres, à faire de la magie et à séduire les hommes). De même, personne dans la série n’est bisexuel : Crowley peut explicitement être queer (en saison 12, il possède le corps d’une femme temporairement et à une orgie avec son mari et un couple d’ami ; il est assez explicitement sous-entendu qu’il a eu une sorte de relation romantique/sexuelle avec Dean lorsque ce dernier était un démon ; il a apparemment un passif avec Naomi ; sa première apparition le montre embrasser un homme pour conclure un pacte et se moquer du mec en question parce qu’il est prêt à vendre son âme mais semble hésitant à embrasser un homme) mais jamais la série n’ira jusqu’à dire qu’il est pansexuel. Chuck a eu des « petites amies et quelques petits amis » mais on ne dira jamais simplement que Dieu est bisexuel (parce que souvenez vous les enfants, Dieu peut être officiellement queer mais pas votre personnage principal). Et même si ça peut sembler anodin, pour moi, cela pose deux problèmes. Le problème numéro 1, c’est que ça participe à renforcer le tabou autour de ces mots là. Pour pas mal de monde, des mots comme « lesbienne », « gay » ou « bisexuel » mettent encore mal à l’aise : les œuvres de fiction ont une opportunité de normaliser ces mots et de détruire le tabou autour et c’est dommage que la série n’ose pas juste dire les choses. Mais le second problème, qui selon moi est beaucoup plus insidieux, c’est qu’en refusant d’utiliser des mots précis pour définir la queerness des personnages, ça permet de conserver une ambiguïté. En effet, si on ne met jamais de mots sur les choses, alors, la représentation queer existe un peu dans un entre deux, ce qui les arrange bien lorsqu’ils font du queerbaiting : s’ils n’utilisent jamais le vocabulaire pour définir la sexualité de leurs personnages, alors comment faire la différence entre disons Chuck (dont la bisexualité est défini en une ligne tellement rapide qu’il est facile de ne même pas la remarquer), Crowley (un personnage canoniquement queer mais dont la sexualité est parfois un peu traité comme une blague, même si ce n’est pas toujours à ses dépens) ou Dean (un personnage extrêmement queer-codé, qui, plusieurs fois dans la série, montre une attirance pour des personnages masculins mais dont la potentielle non-hétérosexualité est traitée comme une blague à ne pas prendre au sérieux)? Lorsqu’on refuse d’appeler un chat un chat, on cultive cette ambiguïté. Et lorsqu’on que nos deux principaux publics sont diamétralement opposés (d’un côté les fans LGBT+ qui, entre autres choses, remarquent bien l’écriture volontairement ambiguë pour la relation entre Dean et Castiel/le queer-coding de Dean et de Castiel ; de l’autre, des fans très conservateurs qui n’accepteraient jamais que Dean « real american man » Winchester soit bisexuel), il y a un intérêt à vouloir à tout prit conserver cette ambiguïté (puisqu’ainsi, on peut avoir le beurre et l’argent du beurre).

Ce problème vis-à-vis de Dean montre aussi un autre problème : la tendance de la série à utiliser l’humour afin d’atténuer le contenu queer. Supernatural adore queer-coder ses personnages et faire de l’humour pour sous-entendre que quelqu’un n’est pas hétéro mais dès qu’il faut être sérieux, d’un seul coup, c’est un autre problème. On parlera plus en détail de Dean plus tard dans l’article, mais le problème avec lui est présent depuis la saison 1 : c’est une blague lorsqu’il a un crush sur Doctor Sexy (je ne vois pas comment on peut interprété ça autrement : le jeu d’acteur de Jensen Ackles est identique que lors de son interaction avec Tara, une actrice qu’il admirait et avec qui il couche en saison 2 ; la musique est clairement romantique ; la manière de filmer évoque clairement « personnage voit son love-interest »…) ; c’est une blague quand Dean, sous l’emprise du « mal des fantômes » (vous savez, l’épisode où il commence à avoir peur de tout) et de l’alcool (qui le rend plus libre), il se met à flirter avec un policier ; c’est une blague lorsque, de façon très récurrente, BEAUCOUP de monde pense que Dean est pas hétéro… Mais ce n’est pas que Dean, la série fait la même chose avec, par exemple, Gabriel. Gabriel est EXTRÊMEMENT queer-codé et de façon plus explicite, codé comme étant bisexuel ou pansexual : il flirte beaucoup avec des personnages masculins, particulièrement Dean, son attitude est tout de même assez flamboyante (un cliché associé aux personnages queers depuis plusieurs décennies)… Cependant, dès qu’il faut explicitement montrer Gabriel dans une position romantique ou sexuelle, il est avec des femmes (ce qui n’invalide pas en soit sa potentielle bisexualité mais montre bien que les scénaristes n’ont pas de problèmes avec le fait de sous-entendre qu’un personnage est queer mais ont clairement un problème avec le fait de le montrer à l’écran). De même, Rowena est un peu codé comme étant queer mais la scène qui aurait confirmé sa bisexualité a été coupé au montage ou encore Balthazar, qui est très queer-codé (par sa manière de se comporter et par le fait que la série sous-entend pas ultra subtilement qu’il est un peu jaloux de la place de Dean dans la vie de Castiel) mais dont la sexualité n’est jamais confirmé à l’écran.

De façon générale, la série n’assume pas le contenu queer. Sur ce point là, Charlie est presque une exception, elle nous offre l’un seul baiser non hétéro de la série (Crowley nous en offre deux techniquement mais ce sont des baisers pour conclure un pacte, Charlie reste le seul personnage important queer a avoir pu embrasser sa love interest à l’écran ; et on a aussi les deux mecs dans le bar en saison 6, qui compte à peine comme des personages). Mais la série à quand même une tendance à atténuer le contenu queer. Crowley est le meilleur exemple de ça : oui, il est explicitement queer. Ceci dit, toutes ses interactions romantiques/sexuelles avec d’autres hommes sont plus un jeu de pouvoir que quelque chose de sincère, la seule exception étant sa relation avec Dean. Dans le cas de Dean, la série sous-entend extrêmement peu subtilement que les deux ont eut une forme de relation lorsque Dean était un démon mais n’ira jamais assez loin pour le confirmer : ils sont apparemment assez comfortable l’un avec l’autre pour que Dean ne soit pas dérangé à l’idée que Crowley le voit nu ; ils ont canoniquement eut une orgie avec des triplets de genre non spécifiés (mais dans le même épisode où ladite orgie est mentionnée, on voit Crowley et Dean jouer au babyfoot avec des jumeaux hommes) ; l’épisode 1 de la saison 10 sous-entend que Dean et Crowley partage une chambre ; l’épisode 2 nous montre littéralement une rupture entre les deux (en utilisant des dialogues qui auraient leur place dans une scène romantique « it’s not me it’s you ») … C’est assez évident après la saison 10 que Crowley est amoureux de Dean : il est beaucoup plus proche de lui que de Sam (et ce malgré le fait que les deux ont eu un ~moment~ dans l’épisode 23 de la saison 8 ou malgré le parallèle ÉVIDENT des deux personnages ayant une addiction au sang de démon/humain) ou Castiel, il suffit que Dean l’appelle pour qu’il lâche tout pour l’aider, après leur séparation en saison 10, Crowley regarde tristement une photo de lui et Dean pendant leur « summer of love » (surnom venant de la série), il prend certaine décision qui vont contre son intérêt pour protéger les Winchester, en particulier Dean, il fait plus confiance à Dean qu’à sa propre mère (certes, Rowena est pas une personne de confiance en saison 10 mais Crowley l’écoute et lui fait à peu près confiance pendant toute la saison, sauf quand elle dit que Dean l’a attaqué et d’un coup, Crowley prend immédiatement le côté de Dean). Pourtant la série ne confirmera jamais explicitement que Crowley est amoureux de Dean : à la place, Crowley pense qu’il peut être le meilleur ami de Dean, ils ont une « bromance »…

Mais ce n’est pas que Crowley, la série est très timide lorsqu’il s’agit de montrer de l’affection romantique entre deux personnes du même genre : Jesse and César sont peut-être mariés, mais leur affection physique est réduite au minimum (une main sur l’épaule, plus ou moins un câlin sur le côté…). Ou encore, le queer-coding de Claire et Kaia, qui a le droit d’être confirmé comme explicitement romantique qu’après la dernière apparition de Claire dans la série (saison 13, épisode 10, « Wayward Sisters ») : en gros, Claire a le droit d’être textuellement une lesbienne une fois qu’elle n’est plus présente dans l’intrigue. Et la série confirme à demi-mot que Kaia est également amoureuse de Claire en saison 15, juste avant qu’elle-même ne disparaisse à jamais de la série. De même, la série joue BEAUCOUP sur le fait que Castiel est amoureux de Dean mais la série a quand même tenu 12 ans sans le confirmer. Et même quand enfin, la série décide de la confirmer et que Castiel peut confesser ses sentiments, il est immédiatement tué et la série fait ensuite tout son possible pour ignorer que la confession a eu lieu.

C’est pour ça que le titre de cette partie est « be queer but not too queer » : la série ne sait pas ce qu’elle veut faire avec sa représentation. La série adore queer-codé ses personnages (j’en ai mentionné quelques uns ici, mais c’est vraiment fréquent) mais elle n’aime pas confirmer l’identité queer des dit personnages. Elle veut avoir un peu de représentation, mais fait tout pour l’atténuer au maximum. Comme sur beaucoup d’aspects en fait, Supernatural est une série qui n’arrive pas à décider qui elle est et le tout rend la structure instable.

3. « I torture all my friends, it’s how I show love » : Supernatural et la diabolisation des personnages queer

Je me doute qu’en voyant le titre de cette section, il y a de quoi lever un sourcil. « Diabolisation » est un mot un peu fort après tout. Pourquoi, il ne faut pas se le cacher, Hollywood a une histoire quand il s’agit de faire de ses méchants des personnages queers ou au moins queer-codé (on peut remercier le Code Hays, qui interdisait la représentation explicite et positive de l’homosexualité, pour ça). Supernatural ici n’a pas inventé l’eau chaude. Ceci dit, on peut critiquer le fait que la série n’ait jamais vraiment fait l’effort d’évoluer sur ce sujet là.

Alors, avant de commencer, on va se mettre d’accord sur deux points. Le premier, c’est qu’il n’y a pas de mal à avoir un méchant qui se trouve ne pas être hétéros. Le problème des méchants non-hétéros, c’est également que souvent, leur queerness est un marqueur de leur méchanceté. En gros, ils ne sont pas méchants ET queer, ils sont méchants PARCE QU’ils sont queers et la différence n’est pas anodine. Le second, c’est que bien qu’il n’y ait pas de problème en théorie à faire d’un méchant un personnage queer, il y a un problème lorsqu’une grosse partie de ta représentation se fait à travers des méchants. Car même lorsqu’on les apprécie (et qui n’aime pas un bon méchant), on se retrouve quand même avec des personnages queers qui représente souvent des choses négatives, surtout, encore une fois, lorsque l’identité queer du personnage étant connectée à ce qui fait de lui un méchant. Voilà, maintenant que ça c’est fait, parlons de Supernatural.

Dans les premières saisons, c’est bien simple, la grande majorité de la représentation queer, c’était des méchants. Alors, on avait quelques exceptions (comme Alan J. Corbett), mais majoritairement, si on avait un personnage queer ou queer-codé, c’était un méchant. On a des exemples comme la vampire dans « Dead Man’s Blood » (saison 1, épisode 20), qui est de façon non ambiguë une méchante et queer (notamment, elle embrasse de force l’une des victimes, qui est une femme, tout en ayant une relation romantique avec un vampire homme) ; Lust, l’un des 7 péchés capitaux (saison 3, épisode 1) ; Ruby et une démon ont une discussion qui sous-entend une relation lesbienne (saison 3, épisode 9) ; le shapeshifter de l’épisode « Monster Movie » (saison 4, épisode 5) est extrêmement queer-codé. Même après les 5 premières saisons, bien que le type de représentation se diversifie, on continue à voir plus de personnages queers ou queer-codés dans des rôles de méchants que dans n’importe quel autre type de rôle : on a Jeffrey, le serial killer amoureux d’un démon (saison 7, épisode 15) ; Noah le gorgon dans « Ouroboros » (saison 14, épisode 14) ; Kipling, le démon qui veut devenir Roi de l’Enfer (saison 14, épisode 1) ; le vampire Alpha (qui apparait pour la première fois en saison 6, épisode 5) ; les seuls anges qu’on voit alterner entre des corps de genres différents sont des antagonistes (Raphaël en saison 6 ou encore Michael en saison 14) ; Belphegor, le démon qui prend possession du corps sans vie de Jack en début de saison 15 (non seulement il mate explicitement des hommes et de femmes, il flirte ouvertement avec Dean) ; ou encore Narfi, le fils de Loki (saison 13, épisode 20).

Bien sûr, le premier réel personnage important queer de la série est Crowley, un démon. Et là, on est dans un cas plus complexe parce que Crowley est un personnage complexe d’un point de vue représentation queer. Certes, il rentre dans la catégorie des méchants queers de façon assez problématique : sa méchanceté est complètement liée à sa pansexualité. On ne peut pas nier que la série relie complètement sa sexualité à une forme de déviance, quelque chose qui le rend plus intimident, plus dangereux, qui utilise sa sexualité autant pour son propre plaisir que pour faire souffrir les autres (les deux sont d’ailleurs assez explicitement liés dans le cas de Crowley) ou comme une une façon pour Crowley de dominer les autres, comme une forme de pouvoir en gros. Mais en même temps, Crowley est aussi un personnage bien plus intéressant et complexe : la série prend le temps de le développer et de lui ajouter de la profondeur et même de la vulnérabilité. On le voit avec son addiction au sang humain (littéralement une forme d’addiction au fait de se sentir humain), avec sa relation avec Rowena, avec son fils Gavin ou avec Dean. Et il y a aussi une forme assez délicieuse pour les personnes queers de voir un personnage comme Crowley : quelqu’un qui utilise sa sexualité comme une arme contre les personnes homophobes. Certes ça joue sur une idée homophobes (que les personnes queers sont un peu des prédateurs qui veulent séduire de force [aka agresser] les personnes hétéros) mais en même temps, le but n’est pas réellement de séduire quelqu’un mais bien de maltraiter un mec homophobe (en gros, c’est un peu une fantasy de revanche : le personnage queer est un position de pouvoir et peut utiliser ça contre une personne homophobe). Et puis, Crowley joue un peu sur une autre idée. Il est assez connu que les homophobes croyants pensent que les personnes queers vont en Enfer. Un personnage comme Crowley dit « vous avez raison, je vais en Enfer et c’est moi qui contrôle l’endroit » : c’est utiliser une menace qui est faite pour créer la peur et l’oppression chez les personnages queers et la transformer en une forme de pouvoir (pour s’éloigner un peu du sujet, c’est la même mécanique que dans le clip « Montero » de Lil Nas X). Mais bon, si Crowley est aussi ambivalent, c’est parce qu’il est un personnage important. Ce n’est pas vraiment le cas des autres, qui n’ont aucune profondeur et dont le queer-coding ou la queerness est l’un des seuls éléments qui les définit.

La série aime aussi faire autre chose et c’est de rendre méchant les personnages queers qui n’était pas méchants de base. On le voit avec des personnages pas importants comme Jenna, la policière dans les deux premiers épisodes de la saison 11. Elle est introduite comme une bonne personne, qui est prête à s’occuper d’un bébé qui vient de lui être confié (quelque chose que tout le monde ne ferait pas). Et pourtant, dès qu’elle perd son âme, elle devient une horrible personne qui tue sa grand-mère. Et l’excuse qu’elle n’a pas d’âme n’est pas une bonne excuse : la série montre plusieurs fois que perdre son âme ne signifie pas qu’on devient immédiatement un meurtrier. Sam n’a pas tué Dean dès que ce dernier lui tapait sur le système en saison 6 (et pourtant, on sait que Sam a fait des choses discutables sans son âme) ou encore Donatello reste une bonne personne même sans âme. De même, la série fait de Chuck, un personnage bisexuel ou pansexuel, LE gros méchant de la série (et même si, thématiquement, c’est parfaitement logique de faire de Dieu le méchant, il n’empêche que ça s’inscrit dans ce schéma). On a Billie, qui a un peu de queercoding autour de son personnage et qui devient également une méchante en saison 15. De même, lorsque Hannah prend un nouveau corps, cette fois masculin, elle devient beaucoup plus hostile envers Castiel. Même Castiel et Dean n’échappent pas à cette règle. Castiel est révélé comme étant le gros méchant de la saison 6 dans « The Man Who Would Be King » (saison 6, épisode 20), le même épisode qui confirme presque que Castiel est amoureux de Dean de façon absolument sérieuse (jusqu’à présent, la possibilité que Castiel soit peut-être amoureux de Dean été plus une blague). Dans « TMWWBK », on apprend que Castiel a commencé à travailler avec Crowley spécifiquement pour ne pas demander de l’aide à Dean (puisque ce dernier était hors de la vie de chasseur de monstre) et de façon générale, que Dean est sa principale motivation (« I did it to protect you, I did it to protect all of you », vous remarquez comment Castiel fait une catégorie spécialement pour Dean et qu’il ajoute Sam et Bobby ensuite). De même, alors que Dean devient de plus en plus queer-codé et surtout, de plus en plus explicitement mit dans une relation quasi romantique avec Castiel (la relation n’est pas explicitement romantique mais le sous-texte est complètement romantique), il a le droit à des intrigues qui le mettent de plus en plus dans le rôle du méchant (notamment en saison 9 et 10 avec la marque de Caïn et les quelques épisodes où il est un démon ou encore comment Dean « j’adopte tous les enfants et adolescents qui croisent mon chemin » Winchester traite Jack ultra mal dès son introduction).

Enfin, je pense qu’on ne peut pas parler de comment la série a tendance à utiliser les méchants pour représenter les personnes queers sans mentionner les monstres. Alors, il y a beaucoup à dire sur ce que j’ai envie d’appeller « le queer monstrueux » mais la série a tendance à utiliser les monstres comme métaphores pour pas mal de choses et notamment, les thématiques queers. Comme je l’ai dit plus haut, le shapeshifter dans « Monster Movie » est extrêmement queer-codé : il a deux formes physiques principales, Dracula (donc masculine) et Lucy (donc féminine), il a été rejeté par sa famille à cause de sa différence, il a été maltraité par son père parce qu’il est un « freak » (un mot notamment utilisé pour insulter des personnes trans)… Vraiment, le parallèle n’est pas subtile. De même, les vampires dans la série sont souvent utilisées comme métaphore pour parlé de queerness : dès leur introduction, on a la vampire qui embrasse une autre femme, l’épisode « Bloodlust » (saison 2, épisode 3) n’est pas subtile dans sa comparaison entre les vampires et un groupe marginalisé (un groupe d’individus martyrisé alors qu’ils ne font rien de mal, comment Gordon utilise une insulte contre les vampires qui évoquent l’idée d’une insultes homophobe ou le fait que l’épisode remet en question le fait que les vampires soient mauvais par nature, un peu comme quand les homophobes se rendent compte que les personnes queers sont des humains comme les autres, encore une fois, c’est pas ultra subtile) ; de façon générale, il y a un parallèle que la série fait entre le désir de boire du sang et le désir sexuel (ça ne vient pas de Supernatural d’ailleurs, si vous ne voyez pas le côté érotique du classique « vampire qui mord le cou de sa victime », je ne peux rien pour vous), et plus spécifiquement, du désir sexuel « taboo » (dont l’homosexualité). De même, l’épisode « Sharp Teeth » (saison 9, épisode 12) n’est pas non plus ultra subtile sur sa comparaison entre les loup-garous et la queerness. Garth a été transformé en loup-garou et vit désormais dans une communauté avec sa femme (également loup garou). Mais malgré ce mode de vie agressivement hétérosexuel, l’épisode est une métaphore à peine caché : Garth dit qu’il a trouvé l’amour et une famille et qu’est-ce qu’on s’en fout si l’origine de ce bonheur n’est pas « normale ». Et Dean au début est persuadé qu’il va y avoir un problème et est contre le « mode de vie » de Garth mais finit par l’accepter : « Well, hey, you said it — you know, who cares where happiness comes from? Look, we’re all a little weird, we’re all a little wacky — some more than others — but…if it works, it works » (traduction: « Et bien, comme tu l’as dit — on s’en fout de la source du bonheur. Écoute, on est tous un peu bizarre, on est tous un peu farfelu — certains plus que d’autres — mais… si ça fonctionne, ça fonctionne »). Encore une fois, la métaphore n’est pas subtile (mon dieu, dans l’épisode, Garth dit que la communauté pense que « loup garou » est un mot insultant et préfère le terme « lycanthrope », au cas où vous n’ayez pas compris qu’on PARLE EN FAIT D’ÊTRE UNE PERSONNE LGBT). Le problème de ça étant que Supernatural n’a jamais vraiment réussi à sortir du côté noir et blanc lié aux montres : au final, les monstres sont des monstres, ils sont mauvais et doivent être tué. Il y a quelques gentils monstres mais même là, c’est rare. Chez les vampires, on a Lenore (qui fini par consommer des humains et se faire tuer par Castiel) et Benny (qui finit par mourir de toute façon). Chez les loup-garou, on a Garth (qui est en vie, KING), sa famille (aussi en vie) et Kate (également encore en vie). En dehors de ces exceptions, les monstres ne méritent pas d’être sauvé, ils tuent des gens, ils sont violents et la seule solution, c’est de les tuer. Donc, utiliser ce genre de métaphore sans vouloir faire le travail derrière de légitimement supprimer l’idée que les monstres sont automatiquement… des monstres, ça fait juste que tu utilises une métaphore qui dit que les personnes queers sont des monstres. Ce qui n’est probablement pas l’intention, parce qu’après tout, utiliser des métaphores en fiction c’est plutôt courant mais c’est le résultat final parce qu’encore une fois, la série ne se rend pas compte qu’une fois la comparaison établie, il faut déconstruire réellement cette idée de monstruosité. Et la série n’a jamais pris le temps de le faire (j’ai un problème avec le traitement des monstres dans Supernatural mais heureusement pour vous, ce n’est pas le sujet).

Et je ne pense pas que les auteurs pensaient à mal. Je pense que ça vient de beaucoup de choses. Comme je l’ai dit, le fait de faire des méchants queers n’a pas été inventé par Supernatural. Je pense que parfois, c’est juste les scénaristes ou les acteurs qui utilisent un cliché sans vraiment réfléchir à l’implication, comme par exemple avec tous les méchants queer-codés. Parfois, je pense que c’est juste que c’est l’histoire qu’il voulait raconter et que ça ne serait pas un problème si la représentation dans la série était meilleure. Par exemple, je pense que Jeffrey le serial killer amoureux de son démon est plus intéressant en tant que personnage queer parce qu’il est un miroir de Dean et que sa relation avec son démon est un miroir de la relation entre Dean et Castiel. Et donc, ça participe au queer-coding de Dean et Cas (le problème lié au queer-coding de Dean et Cas est une autre histoire complètement, donc ne nous étendons pas sur ça ici) et honnêtement, la comparaison fonctionne mieux comme ça. Et puis parfois, je pense que c’était aussi un vrai effort de la part des créateurs d’inclure de la diversité. Crowley est un personnage qui est ouvertement queer dès son introduction en 2009 : on peut critiquer le trope du méchant queer mais je pense qu’en 2009, le seul moyen pour qu’un network comme la CW autorise un personnage ouvertement queer, c’était de le faire via un méchant, surtout dans une série comme Supernatural. Et encore une fois, ça ne serait pas un problème si la série faisait un meilleur travail pour la représentation. Malheureusement, lorsqu’un personnage queer n’est pas un méchant, on rencontre un autre problème.

4. « Since when do we get what we deserve » : Supernatural et les tragédies queers

Oui parce que le fait est, dans Supernatural, si vous êtes un personnage queer, il y a des chances que vos deux options soient d’être un méchant et de rencontrer une fin tragique (parfois même les deux en même temps). Ce qui est encore plus vrai lorsque vous êtes un personnage important. Ce qui est, je vous l’informe, pas super.

L’un des premiers personnages ouvertement queer de la série, c’est Alan J. Corbett en saison 3, un personnage qui n’apparaît que dans un seul épisode. Et en ce qui le concerne, l’épisode est une tragédie. Il est le seul membre de l’épisode des Ghosfacers à mourir dans l’épisode. Ses sentiments pour Ed sont tragiquement non réciproques. Il se retrouve coincé dans un death echo, où il doit revivre sa mort en boucle. Et même s’il en sort (avec l’aide d’Ed), il n’empêche qu’il finit l’histoire mort. Et je dirais au passage, d’un point de vue extérieur, que le fait que l’épisode ne prend absolument pas au sérieux ses sentiments pour Ed ajoute à la tragédie. Même si Alan est un héros dans l’épisode, il n’empêche que ses sentiments sont moqués de façon répétée (et ceux même si lesdits sentiments amoureux ont permis à Alan de sauver tout le monde dans l’épisode).

Parmi les autres personnages importants, on a bien sûr Charlie Bradbury. Charlie est probablement l’un des meilleurs personnages queers de la série. Robbie Thompson, qui a écrit « The Girl with the Dungeons and Dragons Tattoo » et donc, qui l’a inventé, a fait un travail formidable avec son personnage. Charlie a une vraie personnalité, sa sexualité est importante sans être la seule chose qui la définit. Elle a une excellente relation avec les Winchesters (particulièrement Dean) et s’intègre très bien au groupe. Et, elle se fait également tuer de façon ultra violente, sans aucune raison à part créer un enjeux dramatique pour Dean et Sam (parce que c’est de la faute de Sam si elle s’est retrouvée dans cette situation et donc il peut se sentir couple et parce que Dean, sous l’emprise de la marque de Caïn, peut sombrer encore plus du côté obscur en voulant venger sa meilleure amie/petite sœur). Et dans une série qui a quand même tendance à ramener ses personnages à la vie toutes les 5 minutes, le non retour de Charlie est assez bruyant.

Et on a aussi Apocalypse World!Charlie (que je vais appeler AU!Charlie), qui elle aussi est un personnage entourée de tragédie. Sa backstory est ultra tragique (elle a perdu l’amour de sa vie à cause de l’Apocalypse), mais on peut au moins excuser ça par le contexte (après tout, AU!Bobby a également une backstory tragique). Mais bon, par contre, le fait de lui donner une love interest dans l’épisode 18 de la saison 15 juste pour tuer Stevie à peine une minute après avoir établie que AU!Charlie et Stevie sont un couple (et au passage, tuer Stevie une minute après avoir établie qu’elle était queer), ça c’est déjà plus difficile à excuser. Déjà, ça ajoute Stevie dans la liste des personnages queers avec fin tragique mais en plus, c’est vraiment donner une note d’espoir à AU!Charlie pour lui arracher immédiatement après. Et ensuite bien sûr, elle meurt avec le reste de la population (minus Sam, Dean et Jack) lorsque Chuck efface tous les habitants de la Terre (je suppose qu’il stan Thanos dans Infinity War). Alors certes, Charlie et Stevie sont probablement ramenées à la vie dans l’épisode 19 par Jack, mais notre dernier aperçu des personnages c’est Stevie qui s’est volatilisée dans la cuisine, Charlie qui exprime la peine de perdre une personne qu’elle aime alors qu’elle venait à peine de s’autoriser à s’ouvrir à l’idée de trouver l’amour et enfin, Charlie qui se volatilise également. Fun stuff.

On a aussi Max Banes. Max est ouvertement gay, probablement l’un des personnages secondaires les plus ouvertement queers de la série, c’est du niveau de Crowley, sauf que Max n’est pas un méchant (Max est aussi narrativement un parallèle de Dean, mais bon, qui compte le nombre de fois où Dean et un personnage queer sont écrits comme des miroirs l’un de l’autre? Moi je compte, la réponse c’est trop souvent pour que ce soit un accident). Max n’a pas beaucoup de temps d’écran, il n’apparaît que dans deux épisodes de la saison 12 mais le second, « Twigs & Twine & Tasha Banes » développe tellement Max et sa sœur Alicia que honnêtement, je me demande s’il ne s’agit pas d’un backdoor pilot (un épisode qui permet de présenter un potentiel futur spin-off, comme par exemple « Bloodlines » [9×20] ou « Wayward Sisters » [13×10]). Et quelle est la conclusion de l’histoire de Max ? Pour ramener sa sœur à la vie, Max fait un pacte avec un démon (ici, il décide d’utiliser la magie d’une sorcière, sachant qu’en le faisant, il vend son âme). Et donc, outre le parallèle évident entre Max/Dean et Alicia/Sam, la dernière image de Max qu’on a c’est un personnage qui vend son âme pour sauver quelqu’un. Et ensuite, Max ne revient jamais (on a même pas une ligne de dialogue en passant pour nous dire que Max a été sauvé).

Crowley entre également dans cette catégorie selon moi. Crowley, après des saisons à tourner un peu en rond et à essayer de sauver son job de Roi de l’Enfer, finit par se rendre compte qu’il déteste son job et veut s’en débarrasser. Enfin un peu de développement différent pour Crowley! Sans surprise, il meurt donc dans le même épisode. Crowley est un cas intéressant (encore une fois), parce que ça pourrait ne pas être une fin tragique : il se sacrifie pour sauver Dean et Sam. Ce que Mark Sheppard avait en tête pour le personnage était beaucoup plus intéressant et moins tragique, où le dernier acte de Crowley (se sacrifier pour terminer un sort) devait un peu être un acte de vengeance (« Even when I lose, I win »). Mais au final, tout cet aspect là est retiré de l’épisode et son sacrifice devient légèrement inutile puisque l’épisode se conclut par la mort de Castiel ET Mary qui se retrouve coincé avec Lucifer dans Apocalypse World. Donc au final, on a un personnage queer (l’un des plus importants de la série), qui meurt plus ou moins pour rien.

Castiel et Dean n’échappent pas à cette règle non plus. Castiel meurt en se sacrifiant pour sauver Dean. On a le droit à une belle déclaration d’amour suivie instantanément par la mort de ce dernier. On a aussi un message ultra contradictoire ici. D’un côté, le discours de Castiel est un discours ultra libérateur : il peut enfin dire ce qu’il ressent vraiment et ainsi, il ressent un bonheur ultra intense. Ce bonheur intense, c’est de pouvoir être qui il est et ce qu’il est c’est un homme gay, c’est effectivement un beau message. Le monologue de Castiel est très touchant (il a été écrit par Robert Berens, un homme gay et honnêtement, ça se sent dans la qualité du texte). En même temps, c’est ce bonheur qui l’envoie directement dans l’Empty, ce qui fait qu’au final, Supernatural a décidé d’envoyer Castiel en super-enfer dès qu’il a fait son coming-out, ce qui était… un choix. Et oui, encore une fois, techniquement, Castiel a été ramené à la vie hors-champs dans l’épisode 20 (Bobby le mentionne en passant), mais encore une fois, les séries tv sont comme des films, ce sont des médiums visuels. La réplique ultra rapide qui mentionne que Cas est techniquement en vie est beaucoup moins marquante que sa dernière apparition. Et la dernière apparition, c’est sa mort. Et encore pire, sa mort et son identité en tant qu’homme gay sont intrinsèquement liée, parce que c’est son amour pour un homme qui déclenche sa mort.

Quant à Dean, c’est difficile de l’expliquer, parce que Dean est un cas complexe. Techniquement, il n’a jamais été confirmé qu’il est bisexuel, même si Dean est ULTRA queer-codé qu’à ce stade, le seul truc qui pourrait le rendre plus queer serait de dire à voix haute qu’il est bisexuel ou de le voir embrasser un mec. Et c’est difficile d’en parler sans trop développer tout ce qui concerne Destiel et j’ai une partie prévue sur ça. Donc je vais juste dire ceci : la relation entre Dean et Cas a été écrite pour être romantique depuis un moment et par là je veux dire, les scénaristes ont volontairement mis des tropes romantiques dans la relation entre Dean et Cas. La relation est telle qu’en arrivant en saison 15, qu’on en ait conscience ou pas, il aurait été impossible d’introduire un love-interest pour Dean parce qu’on sait que ce love-interest ne pourrait jamais rivaliser avec Cas : la relation entre Dean et Cas est tellement forte émotionnellement qu’un love-interest n’arrivait jamais à s’imposer comme LA relation la plus importante de Dean (hors de la relation fraternelle entre Dean et Sam évidemment). Alors que Sam peut avoir quelqu’un comme Eileen pour remplir le genre de besoin émotionnel que Dean ne pourrait pas remplir, Dean a Castiel. Et ensuite, Castiel meurt. Et le fait est, on sait que Dean gère très mal la perte de Castiel : en saison 7, la mort de Cas démarre une spirale auto-destructive chez Dean ultra violent (avec notamment une spirale dans l’alcoolisme comme on en a jamais vu et comme on en reverra jamais pour Dean et vu que Dean est complètement alcoolique, c’est quelque chose) ; en début de saison 13, Dean est tellement dépressif après la mort de Castiel qu’il finit par littéralement se suicider (alors oui, ça ne tient pas, mais il admet lui-même qu’il se fiche de mourir à ce moment là). Le fait est, en saison 15, on sait (consciemment ou pas) qu’il y a quelque chose de profondément pas « normal » chez Dean et qu’il ne pourrait jamais juste prendre sa retraite, trouver une femme et avoir deux enfants et demi (même si on sait que Dean rêve de prendre sa retraite et de vivre une vie paisible et on sait également que Dean adore les enfants et a envie d’être père, j’ai envie de dire, il adopte tous les enfants et adolescents qu’il trouve). On sait que ce futur n’est pas possible pour Dean. Alors, il s’est fait tué, parce que c’était la seule solution pour Dean, l’alternative étant de confronter Dean à la perte de Castiel et à la déclaration d’amour de ce dernier et qu’ils ne pouvaient pas faire ça sans confirmer que les sentiments sont réciproques (certaines personnes ne seront pas d’accord avec moi mais les auteurs le savent très bien : s’il était possible pour Dean de ne pas être amoureux de Castiel, Dean l’aurait dit à voix haute parce que les scénaristes n’ont aucun problème à confirmer l’hétérosexualité d’un personnage, c’est toujours l’inverse qui pose problème pour eux). Et oui, la série essaye de faire passer ça comme une « bonne » fin pour Dean : il est en paix avec ses choix et il va au Paradis. Mais honnêtement, pour moi, c’est du même niveau que la fin « heureuse » de The Rise of Skywalker : on me dit que tout va bien mais la dissonance cognitive est BRUYANTE. Parce que personnellement, j’ai du mal à trouver positif une fin où un personnage qui a souffert pendant toute sa vie, un personnage qui a des problèmes d’estime personnelle, un personnage qui a clairement des tendances suicidaires depuis la saison 1, ce personne meurt et c’est une « bonne » fin pour lui. Non, pour moi, c’est une tragédie : vit une vie horrible depuis tes 4 ans, enchaine les catastrophes pendant toute ta vie adulte, perd toutes les personnes importantes pour toi, découvre que toute ta vie n’est qu’un divertissement pour Dieu (qui est définitivement un sacré connard), bat toi pour pouvoir prendre contrôle de ta vie, gagne ce combat… et meurt deux mois plus tard, parce que ta présence empêche ton frère d’avoir une « vie heureuse » (comprendre : une vie « normale », hétéronormative avec une femme et deux enfants et demi), parce que dans le fond, tu avais raison quand tu pensais que ton destin était tout tracé et que tu allais mourir jeune et de façon violente. Parce que tu peux te battre et gagner contre Dieu et ton destin reste inchangé. Honnêtement, tu peux essayer de tourner ça dans tous les sens que tu veux pour essayer d’en faire une fin heureuse, j’ai des yeux merci bien.

Donc oui, quand Supernatural assume ses personnages queers, ne fait pas d’eux des méchants, le seul destin possible c’est d’avoir une fin tragique. Ou d’être un personnage tertiaire ou encore moins important et là, peut-être que tu peux survivre. Mais bon, si tu es un personnage important et queer, tu es méchant ou tu meurs, ou les deux. Ou alors tu t’appelles Claire Novak et tu as une fin heureuse… en disparaissant de la série sans avoir de vraie fin, ta dernière apparition étant littéralement dans l’épisode Wayward Sisters, le backdoor pilot pour une série où tu aurais été le personnage principal (littéralement, la dernière apparition de Claire dans la série est dans un épisode qui annonce le début de son histoire). Tout ça pour dire, je ne peux pas dire que la série n’a fait aucun effort non plus : c’est plus de représentation queer que dans le MCU par exemple (où le nombre de personnage canoniquement queer s’élève à deux : Loki et Sylvie, une version alternative de Loki, merci Loki, sorti en 2021. Bon c’est 3 si on compte le caméo de Joe Russo, ce que je ne fais pas parce qu’il ne faut pas se foutre de la gueule du monde non plus). Mais je ne vais pas non plus applaudir pour un effort aussi minimal : la série avait beaucoup de potentiel et n’a rien fait avec. La série avait l’opportunité de marquer l’histoire de la représentation queer à la télévision et a choisi de ne pas le faire. Et pour ça, il faut parler de la légende. Alors, parlons de Destiel.

Partie 2 – The Last Great American Queerbait : le cas Destiel

Je pense que lorsque Eric Kripke a créé Supernatural, il ne s’attendait certainement pas à ce que l’un des aspects les plus marquants de la série soit la relation entre Dean Winchester et l’ange Castiel (un personnage qui n’existait même pas lorsque Eric Kripke a inventé la série). Et pourtant, en 2021, l’une des choses qui ressort le plus de la série, c’est Destiel. La déclaration d’amour de Castiel a tellement fait parler d’elle que lors de sa diffusion le 5 novembre dernier, elle a réussi à devenir le sujet le plus discuté sur Twitter, dépassant même l’élection présidentielle américaine. La relation entre les deux a toujours beaucoup fait parler, au point où les auteurs ont commencé à l’introduire dans la série (de façon plus ou moins sérieuse, on va y venir). Et la relation, au final, est… canon et pas canon en même temps? Vous imaginez que ce gros bazar fait qu’il est intéressant de se pencher sur la relation plus en détail. Après tout, Dean est l’un des personnages principaux et Castiel, avec le temps est devenu le 3e personnage principal. La relation a une place centrale dans la série, pour ne pas dire qu’elle est presque devenue l’une des intrigue principales vers la fin de la série. Donc, on va parler de tout ça. Et on va commencer par se pencher plus précisément sur Dean et Cas individuellement.

1. « Well, you’re kinda butch » : la bisexualité de Dean Winchester

Je me doute que vous ne vous en rendez pas compte en lisant cet article mais j’ai pris des SEMAINES à l’écrire. La raison pour ça, c’est qu’il est parfois assez difficile d’articuler mes idées pour les mettre à l’écrit. Ça va maintenant faire plusieurs jours que je dois écrire cette partie sur Dean et que je ne sais pas comment m’y prendre. Ne mettez pas des mots dans ma bouche, le problème n’est pas qu’il est difficile de trouver des « preuves » que Dean est clairement pas hétéro. Cet aspect là est assez simple en réalité. Je pourrais mettre des liens vers certaines scènes qui sous entendent que Dean est bisexuel et honnêtement, je ne manque pas de matériel. Le problème n’est pas là. Le problème, c’est qu’il y a TELLEMENT de couches sur la bisexualité de Dean, c’est présent de pleins de façons différentes au point où j’ai toujours du mal à croire que Dean n’était pas intentionnellement écrit comme queer dès l’épisode 1. Rien que dans les sources d’inspirations de Dean, on a plusieurs exemples de personnes ou personnages queers. Son look en début de série est clairement inspiré de James Dean (dont il est d’ailleurs fan) et James Dean était queer. Certes, il est difficile de lui donner une étiquette précise, on parle d’une vraie personne mais il était bisexuel ou gay mais certainement pas hétéro. De même, le nom de Dean vient du roman Sur la Route de Jack Kerouac, inspiré par le personnage de Dean Moriarty, un personnage avec qui il partage d’autres caractéristiques comme son côté rebelle ou son côté séducteur. Si dans la version originale du roman, Dean Moriarty est simplement codé bisexuel, la version non censuré de 2007 le rend textuellement queer. Ce qui veut dire que Dean Moriarty a toujours été un personnage queer, l’auteur a juste été censuré. Pour en rajouter une couche, Dean Moriarty lui-même est inspiré par une vraie personne, Neil Cassady, qui était lui-même queer. Et ce n’était certainement pas l’intention d’Eric Kripke mais ça fait que dans l’ADN même de Dean, il y a toujours eut cet aspect queer.

Le truc avec Dean, c’est que je pourrais faire une liste des choses qui le code comme queer, des choses les plus « subtiles » aux choses qui sont tout simplement du texte. Je pourrais mentionner « Hook Man » (saison 1, épisode 7), où Dean est clairement en train de mater un mec (c’est la source de la blague, il remarque que l’étudiant n’a pas de peinture au niveau de ses fesses parce qu’il est en train de le mater « discrètement »). Je pourrais mentionner « Plaything » (saison 2, épisode 11), où la propriétaire de l’hôtel hanté pense que Dean et Sam sont en couple et encore une fois, la série se concentre sur la réaction de Dean. La citation que j’utilise dans le titre de l’article et de cette sous-partie viennent de cet épisode : Dean se demande pourquoi autant de personnes pensent que Dean et Sam sont en couple et Sam répond « well, you’re kinda butch. Probably think you’re overcompensating » (traduction : « et bien, t’es un peu butch. Les gens pensent probablement que tu compenses ») et la réaction de Dean est l’illustration parfaite de l’expression « y’ a que la vérité qui blesse » (gif ici pour vous faire une idée). Je pourrais parler de « Yellow fever » (saison 4, épisode 6), où Dean flirte avec un policier. Je pourrais lister tous ces moments un peu inutiles, sans aucun intérêt scénariste, où il est clairement sous-entendu que Dean est intéressé par les hommes, sans même commencer à aborder Castiel. Lors de mon visionnage de la série, j’ai fait une liste de tous les moments queer de Dean, la liste fait 15 PAGES, donc je ne vais pas m’amuser à tous citer.

Je pourrais également parler de tous les moments importants qui le code queer, dans le sens, les moments qui sont scénaristiquement importants. Comme par exemple, « Sex and Violence » (saison 4, épisode 14), l’épisode de la sirène, qui est, selon moi, impossible de lire sans sous-texte queer sans avoir à faire un énorme effort de déni. Le monstre de l’épisode est une sirène, dont le mode opératoire est de séduire des hommes pour les convaincre ensuite de tuer la femme la plus importante dans leur vie parce que apparemment, c’est agréable d’avoir quelqu’un qui vous aime tellement qu’il est prêt à faire ça pour vous. Le mode opératoire de la sirène est intrinsèquement lié à la romance/au sexe (l’épisode s’appelle littéralement « SEX and Violence »). Et la sirène passe la majorité de l’épisode sous la forme de Nick, un agent du FBI fan de Led Zeppelin et de voitures classiques. Nick passe l’épisode avec Dean, pendant que Sam passe la majorité de l’épisode avec la docteur Cara, les deux relations étant des parallèles dans l’intrigue et Sam/Cara est une relation explicitement romantique (ils couchent ensemble dans l’épisode). Alors oui, Nick essaye de « no-homo » la situation avec Dean, utilisant l’argument qu’il peut être le nouveau frère de Dean, sauf qu’il se contredit 5 minutes plus tard en disant qu’il veut « tomber amoureux à nouveau » (honnêtement, cette tentative de « no homo » fait qu’au final, il y a plus un sous-texte légèrement incestueux, ce qui ne me plait pas mais bon, c’est là). Je pourrais parler de « Changing Channels » (saison 5, épisode 8), où Dean et Sam se retrouvent transportés dans divers programme TV, dont Doctor Sexy M.D, une parodie de Grey’s Anatomy dont Dean est fan. Dean a clairement un crush sur le Doctor Sexy du titre (la musique romantique, les expressions faciales de Dean qui rappelle ses interactions avec l’actrice de l’épisode 18 de la saison 2, la façon de filmer qui sort tout droit d’une comédie romantique… vous pouvez voir l’interaction ici, à partir de 2min18). Dean se rend compte que tout ça est une illusion parce que Doctor Sexy porte des baskets et non des bottes de cowboy et que, selon lui, ce qui rend Doctor Sexy sexy, c’est les bottes de cowboy (donc, Dean pense que Doctor Sexy est sexy, c’est même pas ambigu, il le dit). Je pourrais parler de « The Girl with the Dungeons and Dragons Tattoo » (saison 7, épisode 20), l’épisode qui introduit Charlie. Dans l’épisode, Charlie doit s’infiltrer dans un bureau pour hacker un ordinateur mais oh non, il y a un agent de sécurité présent et Charlie doit trouver un moyen de passer. Dean lui dit de la séduire pour que l’agent baisse sa garde et la laisse passer mais Charlie ne peut pas parce qu’elle est lesbienne et que, de ce fait, elle ne sait pas comment draguer un homme (puisqu’elle n’est pas attiré par les hommes). Dean se propose donc pour draguer à sa place et on a donc une scène où Dean drague un homme à travers Charlie et ça fonctionne. Donc, selon la logique même de l’épisode, Dean peut draguer un homme parce qu’il est lui-même attiré par les hommes (sans parler du montage qui va plus dans le sens de la lecture queer, avec l’organisation des split screens, qui donnent l’impression que Dean et l’agent sont en face à face, photo ici). Je pourrais parler de « Everybody Hates Hitler » (saison 8, épisode 13), où Dean se fait aborder par Aaron et a une réaction digne d’une comédie romantique (bafouillage, soudainement ne sait plus comment marcher correctement…) et semble déçu lorsqu’il découvre qu’Aaron n’était pas réellement intéressé plus tard dans l’épisode (vidéo ici). Je pourrais parler de « Beyond the Mat » (saison 11, épisode 15), où Dean rencontre un catcheur du nom de Gunnar Lawless, dont il était ULTRA FAN quand il était jeune et encore une fois, la scène se lit comme Dean a/avait un crush sur Gunnar Lawless. D’autant plus que l’épisode fait un parallèle entre Dean/Gunnar et Sam et son crush d’enfance (la scène est extrêmement similaire, la différence étant que dans le cas de Dean, c’est du sous-texte alors que dans le cas de Sam, c’est explicite). Je pourrais parler de « Last Call » (saison 15, épisode 7), où la relation entre Dean et Lee est remplie de sous-entendu romantique (en mode « Lee et Dean sont des ex »). Et tout ça sans même commencer à aborder Castiel.

Je pourrais parler du tout le queer-coding subtile, le genre de référence qui passe sous le nez de la plupart des gens mais qui va sauter aux yeux de quelqu’un de queer, surtout si cette personne est familière avec la culture queer américaine. Par exemple, dans « Monster Movie » (saison 4, épisode 5), on apprend que si Dean pouvait vivre dans un film, ce serait Porky’s 2. La blague, c’est que Porky’s est une sex-comedy (un ancêtre d’American Pie si vous voulez), qui est connu pour être une comédie potache. La suite est moins connue, la plupart des gens qui entendent la blague se disent que c’est drôle parce que 1. Évidemment, Dean va choisir ce type de film 2. Il ne choisit pas l’original mais la suite qui est considérée comme nulle. Si vous connaissez Porky’s 2 plus en détails, vous savez qu’il a une petite réputation dans la communauté LGBT+ et qu’il s’agit d’un film suivant un groupe de garçon mettant en scène Shakespeare, notamment A Midsummer Night’s Dream, où les garçons jouent donc des fées (en anglais, « fairies » est une insulte homophobe) et apprennent peu à peu à accepter leur côté plus « féminin » (et le film a plus de nudité masculine et moins de nudité féminine que son prédécesseur). Je pourrais parler de l’obsession de Dean pour les cowboy, qui peut effectivement être un truc de « vrai mec » (parce qu’on a cette image ultra masculine des cowboys), mais qui va également dans le queer-coding du personnage (SURTOUT vu comment les cowboys sont utilisés en rapport à Dean, le fait que la série dise que Dean a un fétiche pour les cowboys, un mot qui a une connotation sexuelle. Encore une fois, ce qui rend Doctor Sexy sexy, ce sont les bottes de cowboy). Je pourrais parler de « Southern Comfort » (saison 8, épisode 6), où Dean dit à Garth qu’il a passé un an au Purgatoire. Garth dit alors « le Purgatoire, LE Purgatoire? » et Dean répond « non celui de Miami ». La blague c’est qu’évidemment il veut dire le vrai Purgatoire. Le Purgatoire de Miami est aussi un bar gay assez connu dans la communauté queer américaine. Je pourrais encore parler de « Everybody Hates Hitler », puisque dans cet épisode, il se présente à Aaron sous le nom « d’agent Bolan », en référence à Marc Bolan, le chanteur de T-Rex, qui était bisexuel. Je pourrais parler de « Fanfiction », où Dean fait un discours inspirant aux actrices de la comédie musicale en citant une réplique de Rent, une comédie musicale extrêmement queer (ça parle notamment de l’épidémie du SIDA et plusieurs personnages principaux sont queers). Je pourrais parler de « Out of the Darkness, Into the Fire » (saison 11, épisode 01), où Dean fait une référence à Magic Mike, un film qui parle de stripteaser (au masculin). Je pourrais parler de « Regarding Dean » (saison 12, épisode 11), où, en plus du double sens de « riding Larry » (un taureau mécanique qu’il aurait « monté », mais il y a également un gros sous entendu sexuel), la scène finale de l’épisode est une référence visuelle au film Urban Cowboy, où un personnage féminin, Sissy, monte un taureau mécanique de façon ultra sexy, finit sa performance en se laissant tomber en arrière sur le taureau (comme Dean) et se fait embrasser par un cowboy (image ici). Je pourrais parler de « Don’t Go in the Woods » (saison 14, épisode 16), où Jack essaye de se faire des amis et mentionne des soirées films au bunker, avant de nous dire que Dean choisi le film la plupart du temps et que du coup, Jack a vu Lost Boys 36 fois. Lost Boys est un film de vampire de Joel Schumacher et le film est connu pour être extrêmement homoérotique (sans grande surprise vu que Joel Schumacher lui-même était un homme homosexuel). Et tout ça sans parler de Castiel.

Je pourrais parler du sous-texte queer de Dean, pas les références, mais les choses beaucoup plus grosses. Je pourrais parler des choses un peu plus « perchée » comme l’analyse de l’épisode « Yellow Fever » comme une métaphore de la répression ou encore de l’arc en saison 14, où Michael représente la répression de Dean, mais c’est un peu perchée, donc je ne vais pas m’étendre sur ça, sachez juste que ce sont des interprétations qui existent et qui font sens. Ou même la séquence sur la chanson Let’s Misbehave dans l’épisode « The Hero’s Journey », qui est une séquence de danse qui peut complètement être lu comme une métaphore pour la relation de Dean avec sa masculinité, sa bisexualité et sa relation avec Castiel en particulier (en particulier en lien avec son envie d’une vie plus domestique, je pourrais légitimement faire un article d’analyse sur la séquence si ça intéresse quelqu’un). Mais on pourrait parler de « Sharp Teeth » (saison 9, épisode 12), où on apprend que Garth a été mordu et est donc devenu un loup-garou. J’ai parlé de l’épisode plus haut, l’épisode étant une grosse métaphore sur le fait de trouver sa famille de façon non-conventionnelle et donc, en ça, il y a une lecture queer. Et bien que Sam soit aussi présent dans l’épisode, cet aspect de l’épisode ne concerne que Dean. C’est Dean qui fait le discours final sur le fait que « si ça fonctionne ça fonctionne, on est tous un peu différent ». De façon générale, la série adore placer Dean au milieu des métaphores queer. La série va faire la même chose avec « Lebanon » (saison 14, épisode 13), épisode où John revient pour un épisode et on a le droit à Dean et John qui parlent de famille. Bizarrement, alors que Sam est également présent et que sa vie est la même que Dean (pas de petite amie, toujours à chasser des monstres…), c’est sur Dean que l’idée de « famille normale » se concentre. Et lorsque John dira qu’il espérait qu’à ce stade, Dean aurait une famille (sous-entendu une famille normale avec une femme et des enfants et une maison), Dean répond qu’il « a une famille », même si cette famille n’est pas conventionnelle (avec son frère, sa mère, Castiel et Jack). Encore une fois, c’est aussi une thématique extrêmement queer, l’idée de choisir sa famille, même si elle ne correspond pas aux normes hétéronormatives de la société. Et tout ça sans (vraiment) parler de Castiel.

Je pourrais parler du fait que la série à une tendance assez énorme à mettre Dean dans des relations avec des personnages masculins et à mettre du sous-texte romantiques ou sexuels sur ces relations (tout en niant le fait que la relation puisse être romantique ou sexuelle). Alors, évidemment, on pourrait parler de Castiel mais au cas où vous ne l’avez pas compris, je fais exprès de ne PAS inclure Castiel dans cette partie, pour montrer que le sous-texte queer de Dean est tellement présent que même si on retire Castiel de l’équation, Dean est toujours extrêmement queer-codé. Donc ignorons Cas et concentrons nous sur les autres. On pourrait mentionner Ash, avec qui il a des moments légèrement flirty (Ash fait une référence à un film queer, Pink Flamingo, pour voir la réaction de Dean, Dean qui boit dans une bouteille de bière dont le logo évoque Cupidon et Ash qui boit dans la même bouteille juste après, le fait que Ash ignore Sam lorsque ce dernier frappe à sa porte mais réagisse instantanément lorsqu’il s’agit de Dean, sous-entendant donc une relation plus proche entre les deux…). On pourrait parler de Nick la sirène, où l’épisode compare le duo Nick/Dean avec Sam/Cara, sans parler des moments juste extrêmement queer entre les deux (le fait que Dean ignore complètement les danseuses du strip-club pour flirter discuter avec Nick [on parle de DEAN quand même, le mec qui était content d’être sur cette affaire JUSTEMENT parce que ça voulait dire qu’il pourrait être dans un strip club], le fait que Dean partage sa flasque avec Nick…). On pourrait parler de Benny : encore une relation de Dean qui est mise en parallèle avec une relation romantique de Sam, ici Dean/Benny et Sam/Amelia. La série va aller très loin avec le parallèle puisque la rupture définitive de Sam et Amelia est mise en parallèle avec la rupture « amicale » entre Dean et Benny, Sam et Dean ayant tout les deux étaient obligés d’abandonner une personne importante pour eux pour le bien de la relation fraternelle entre Dean et Sam. La relation entre Dean et Benny a également un énorme sous-texte romantique dans l’épisode « Citizen Fang » (saison 8, épisode 9), où le personnage de Martin parle de la relation entre Dean et Benny comme d’une relation romantique « problématique », comme si Dean était en couple avec quelqu’un que Martin juge pas respectable (comme si Dean était dans une relation romantique avec un homme et que Martin pensait que Benny avait « corrompu » Dean). Sans même parler du fait que la relation entre Sam, Amelia et son mari Don est également un parallèle entre Dean, Benny et Castiel (où Dean/Amelia ont perdu Cas/Don et commence à reformer une relation avec Benny/Sam mais Cas/Don revient dans la vie de Dean/Amelia et la nouvelle et l’ancienne relation sont en conflit mais au final, Dean/Amelia finiront par choisir Cas/Don). Et bien sûr, difficile de parler de relation homoérotique sans mentionner Crowley et le « summer of love » lorsque Dean était un démon, qui était tellement codé romantiquement/sexuellement que ça en devient presque ridicule. Ils sont tous le temps ensemble pendant genre 3 mois, à faire des bars, s’amuser. Apparemment, ils partagent une chambre de motel, ils sont assez confortables ensemble que Dean n’a aucun problème à être nu avec Crowley et ont des orgies avec des triplets de genre non spécifié (mais dans l’épisode, on voit des jumeaux hommes jouer au baby-foot avec Dean et Crowley). Leur séparation est écrite comme une rupture (et je veux dire, littéralement, si Dean et Crowley étaient officiellement en couple à ce moment-là, le dialogue n’a pas besoin de changer). Bien sûr, il est assez évident que la relation entre Dean et Crowley est assez à sens unique d’un point de vue purement romantique (dans le sens où Crowley est clairement amoureux de Dean mais Dean pas tellement), mais la relation a tout de même des implications sexuelles/romantiques. Sans parler également du fait que Crowley/Dean/Cas est également écrit comme un triangle amoureux (qui est mis en parallèle avec Abbadon/Caïn/Colette). On peut également mentionner Lee Webb, de l’épisode « Last Call » (saison 15, épisode 7), qui est écrit comme un ex. Lee et la serveuse du bar sont mis en parallèle dans l’épisode et ont des interactions assez dragueuses avec Dean (la serveuse et Lee mettent la main au fesse de Dean par exemple). Les deux ont eu une forme de relation dans le passé et notamment, on « partagé des triplets (de genre non spécifié) équitablement », ce qui encore, sous entend que Dean et Lee ont eu une relation intime (si on me donnait un euro à chaque fois que Dean a eu canoniquement une orgie avec un homme et des triplets de genre non spécifié, j’aurais deux euros, ce qui n’est pas énorme mais c’est bizarre que ça soit arrivé deux fois). Dean fait même un karaoké dans l’épisode, ce qu’on l’a vu faire uniquement au début de la saison 10, lorsqu’il était un démon et avec Crowley. Sans parler du fait que le bar lui même renvoie également à certains aspects du queer-coding de Dean (notamment, le bar s’appelle le Swayze’s et on sait que Dean est fan de Patrick Swayze au point où « Patric Swayze always gets a pass », pour une raison ou encore, le fait que lorsqu’il fait son numéro de karaoke, la lumière de bar est rose, violette et bleu, ce qu’on appelle communément « the bisexual lighting » car ce sont les trois couleurs du drapeau bisexuel). De façon générale, Dean a tendance à nouer des relations avec les personnages masculins bien plus facilement que Sam : Henriksen (avec qui il flirt), Gordon (dans « Bloodlust »), Ronald (dans Nightshifter), Garth (première apparition dans l’épisode « Season Seven, Time for a Wedding! »). Et tout ça sans parler (trop) parler de Castiel.

Je pourrais aussi parler du fait que les scénaristes ont tendance à créer des parallèles entre Dean et les personnages queers de la série. On peut mentionner Charlie déjà : outre le fait que la relation Dean/Charlie est clairement plus profonde que Sam/Charlie, les deux ont en réalité beaucoup de parallèles. Les deux aiment flirter : bon, Dean, c’est l’une des premières choses qu’on apprend sur lui (même si je maintiens que selon moi, c’est une façade que Dean présente au monde, mais bon, Dean est complexe comme ça) et pour Charlie, c’est quelque chose qui est présenté en particulier lors de ses deux premiers épisodes, « The Girl with the Dungeons and Dragons Tattoo » et « LARP and the real girl » (dans le premier, elle mentionne que « si on ne peut pas pécho lors d’une soirée de charité, alors on ne peut pas pécho » et dans le second, on voit bien qu’elle a eu des aventures avec plusieurs femmes dans sa communauté de LARPing). Les deux sont des nerds et encore plus, le même type de nerd, comme on le voit avec leur passion commune pour le LARPing. La relation entre Charlie et ses parents (notamment, le fait qu’elle se sente responsable de l’accident qui a causé la mort de son père et a mit sa mère dans le coma) est un parallèle avec Dean (qui se sent coupable de la mort de son père, qui a fait un pacte pour le sauver). Dans « Pac-Man Fever » (saison 8, épisode 20), on apprend que la plus grosse peur de Charlie est de perdre sa mère (qui est la dernière personne de sa famille en vie, même si elle est dans le coma), qui est mise en parallèle avec la peur de Dean de perdre Sam. Dans « There’s No Place Like Home » (saison 10, épisode 11), alors que Dean doit combattre son côté obscur à cause de la Marque de Cain, Charlie revient de Oz et doit littéralement combattre son côté obscur, dans un épisode qui n’est certainement pas subtile pour son parallèle. On peut aussi mentionner Claire, qui est pratiquement une version féminine de Dean : comme Dean, elle a perdue un parent quand elle était jeune à cause d’une créature surnaturelle et a, d’une façon plus métaphorique, perdue son autre parent car il n’a pas su gérer la perte de son conjoint. Dans le cas de Dean, il a perdu sa mère et son père a beaucoup changé dans sa quête de vengeance ; dans le cas de Claire, elle a perdu son père à cause de Castiel (puisque Jimmy est le corps que Cas utilise) et sa mère a préféré l’abandonner pour chercher Jimmy plutôt que de s’occuper d’elle. Les deux sont des rebelles, les deux ont des gros problèmes de gestion de leur colère… Sans oublier le parallèle dingue dans « The Things We Left Behind » (saison 10, épisode 9), où Dean mentionne en passant une anecdote où il s’est introduit dans un club où un groupe d’adultes ont essayé de prendre avantage de lui (l’épisode dit qu’un groupe de filles l’ont invité à boire et il y a un sous-texte sur la possibilité qu’il ait été drogué) et qu’il a été sauvé par son père, pour que dans le même épisode, Claire soit mise dans une position où un groupe d’adultes essayent de prendre avantage d’elle avant qu’elle ne soit sauvé par une figure paternelle (Castiel). (Le fait que Dean raconte cette histoire comme une anecdote fun et pas tout du traumatisante et que pourtant, dans le même épisode, le fait que la même chose arrive presque à Claire est suffisant pour que, sous l’influence de la Marque, Dean perde complètement le contrôle et tue violemment les hommes présent est définitivement quelque chose qui mériterait plus de discussion mais on n’a pas le temps). On peut mentionner Max, un des personnages les plus explicitement gay de la série et l’épisode qui le met le plus en avant, « Twigs and Twine and Tasha Banes » (saison 12, épisode 20), est un épisode qui est volontairement un gros parallèle avec Sam et Dean, où la mère des jumeaux est un parallèle pour John, Alicia en est un pour Sam et Max un pour Dean. Max finit par vendre son âme à un démon pour sauver sa sœur, comme Dean l’a fait pour Sam. Max et sa mère ont quelque chose en commun (la magie), qui fait qu’ils s’entendent mieux/semblent plus proche et Alicia finit par se sentir un peu à l’écart, comme le villain petit canard de la famille, comme Dean et John avaient quelque chose en commun (chasser des monstres) et Sam se sentait un peu exclu à cause de ça. Pour en rajouter une couche, l’une des premières choses que Max dit dans l’épisode, c’est un compliment sur la voiture de Dean. Et encore, là je me concentre sur les personnages importants avec qui il a beaucoup de parallèles mais il existe aussi pas mal de parallèle plus rapide. Dans « Repo Man » (saison 7, épisode 15), Dean est mis en parallèle avec Jeffrey, un humain amoureux d’un démon, l’épisode mettant en parallèle l’expérience de Jeffrey lorsqu’il a perdu son démon et ce que Dean est en train de vivre en ayant perdu Castiel. Ou encore, comment « Despair » (saison 15, épisode 18), fait un parallèle entre AU!Charlie qui perd Stevie et Dean qui perd Cas à la fin de l’épisode. Ou le parallèle visuel entre Dean/Cas et Dwight/Rod. Sam en comparaison a beaucoup moins de parallèle avec des personnages queers (le seul gros parallèle reste avec Charlie, puisqu’ils sont tous les deux des geeks fan d’Harry Potter, mais le parallèle est beaucoup plus superficiel que ceux qui existent entre Dean et Charlie) et clairement, dans le cas de Sam, c’est beaucoup moins systématique. Et lorsque le parallèle existe, le série n’attire pas l’attention dessus : par exemple, on peut voir un parallèle évident entre Sam et Crowley, vis-à-vis de leurs addictions au sang de démon/d’humain mais la série ne le mentionne pas. Au contraire, les parallèles entre Dean et les divers personnages queers sont non seulement présent, les scénaristes veulent qu’on les remarque, ils sont fait pour être visible, ils sont souvent des aspects importants d’un épisode ou d’un personnage (encore une fois, Claire est pratiquement une version féminine de Dean). Et tout ça sans mentionner Castiel.

Je pourrais parler du fait que la série passe sont TEMPS à attirer l’attention sur l’aspect féminin de Dean. Dean est un personnage hyper-masculin sauf que pas vraiment. Son hypermasculinité est une performance et ne correspond absolument pas à la personne qu’il est vraiment. On le voit avec des choses supposées être comiques. Par exemple, dans « The End » (saison 5, épisode 4), on apprend que Dean aime porter des sous-vêtements féminins. On le voit avec des choses plus sérieuses. Par exemple, il est assez évident que Dean a pris la place de sa mère dans la famille : il s’est occupé de son frère, l’a nourri, il est devenu le gardien de Sam (le « caretaker« , celui qui prend soin de quelqu’un) et c’est un rôle traditionnellement féminin (dans le sens où traditionnellement, dans une famille, c’est le rôle de la mère. On peut critiquer les rôles genrés, le fait est qu’ils existent dans notre société actuelle et on ne peut pas prétendre qu’ils n’existent pas quand ça nous arrange). Dean est le plus domestique des deux frères, celui qui aime cuisiner (c’est l’une des premières choses qu’il fait en arrivant au bunker en saison 8, on le voit cuisiner avec un tablier en saison 15…). L’un des motifs les plus récurrents de la série, c’est Dean qui nie aimer ou faire quelque chose qu’il perçoit comme féminin avant d’admettre qu’il aime bien le truc/qu’il fait le truc. Dean dira dès l’épisode 1 « no chick-flick moment » (montrant ainsi un certain mépris pour les « chick flick ») avant d’admettre en saison 11 qu’il aime bien les chick-flick ou avant ça, d’admettre qu’il aime Patrick Swayze et Dirty Dancing. Il dit ne pas être un germaphobe alors que plusieurs épisodes dans la série semblent indiquer le contraire. Il dit ne pas aimer Taylor Swift mais plus tard dans le même épisode, il laisse une chanson à la radio, montrant qu’il apprécie en réalité sa musique (au plus grand malheur de Sam). Il montrera du dédain lorsque Sam boira de l’eau avec du concombre en saison 12, avant de boire la même eau dans le même épisode. Il niera être fan de Doctor Sexy M.D. avant d’admettre que c’est un plaisir coupable et démontrer qu’il connaît extrêmement bien la série. Il niera aimer la danse mais dans le même épisode, il est attiré par les chaussons de danse maudits, qui attirent spécifiquement les personnes qui aiment la danse. Dean passe son temps à projeter une image d’un homme hyper-masculin alors que ce n’est pas DU TOUT le cas. Alors qu’on soit d’accord, dans la vraie vie, être un homme qui aime des « trucs de filles » ne veut pas dire qu’on est gay ou bi. Mais ce n’est pas la vraie vie, c’est une fiction. Et outre le fait qu’en fiction, donner des caractéristiques « féminines » à un personnage masculin est souvent une façon de les queer-coder, ce n’est même pas ce qui est marquant ici. Après tout, Sam aime aussi des choses « de filles » : il aime Céline Dion (c’est sa chanteuse préférée) et de façon générale, il est émotionnellement plus ouvert et bien plus à l’aise avec les aspects moins « masculins » de sa personnalité. Non, ce qui est notablement avec Dean, c’est en particulier cette tendance à nier aimer quelque chose avant d’admettre qu’il aime cette chose. Ça crée une dynamique où Dean a tendance à cacher cet aspect de sa personnalité, où Dean son hypermasculinité est une sorte de performance. Tout seul, ça ne serait pas particulièrement marquant mais quand on ajoute ça à tout le reste, ça s’ajoute vraiment à une lecture queer du personnage. (Honnêtement, le thème « Dean Winchester et le genre » pourrait probablement faire une analyse complète mais je ne vais probablement pas faire ça, il faut que j’écrive sur autre chose que Supernatural.)

De la même façon, Dean insiste BEAUCOUP sur son hétérosexualité, surtout en début de série. Alors encore une fois, dans la vraie vie, quand quelqu’un vous dit qu’il est hétéro, le mieux est de le croire. La vraie vie obéit à des règles différentes que la fiction : parfois dans la vraie vie, on pense qu’une personne est queer et on a tord. Mais encore une fois, Supernatural n’est pas la vraie vie, c’est une œuvre de fiction. Il faut comprendre une chose : on vit dans une société hétéronormative, ce qui veut dire qu’on vit dans une société qui voit l’hétérosexualité comme le défaut, comme la norme. Je ne trouve pas ça bien mais c’est comme ça, peut-être qu’un jour les mentalités changeront (on peut croiser les doigts) mais pour le moment, c’est comme ça. Ça veut dire que, même sans vous en rendre compte, lorsque vous rencontrez quelqu’un, vous aurez tendance à assumer que cette personne est hétéro, sauf si vous avez une raison de penser le contraire (en gros, sauf si la personne correspond à des clichés ou affiche ouvertement sa non-hétérosexualité). Et en fiction, ça veut dire qu’on voit « hétéro » comme le défaut implicite : un personnage est hétéro sauf quand on nous dit le contraire. On n’a pas besoin de vous dire qu’un personnage est hétéro, parce que l’hétérosexualité est la sexualité « neutre » si vous voulez. Encore une fois, je trouve que c’est stupide hein, c’est une façon de penser extrêmement réductrice mais ça reste la pensée dominante. Du coup, lorsqu’on a un personnage qui insiste sur son hétérosexualité, ça paraît immédiatement suspect, parce qu’il n’y a aucune raison de le mentionner. C’était sous-entendu, une forme de présomption d’hétérosexualité, « straight until proven queer« . Dean mentionne souvent qu’il n’est pas gay. Il ne le dit pas comme ça certes, il dira souvent qu’il n’est pas de ce bord là (en anglais il dira « I don’t swing that way »). Et pourtant malgré cette insistance sur son hétérosexualité, ce genre de commentaire vient toujours lorsqu’il essaye de montrer une certaine dominance face à quelqu’un. En gros, c’est beaucoup moins un déclaration de son hétérosexualité qu’une façon d’essayer « d’humilier » la personne en face en remettant en question leur hétérosexualité. Et il est intéressant de remarquer que dans LA situation où il aurait été le plus logique de mentionner qu’il « n’est pas de ce bord », à savoir lorsqu’Aaron le drague en saison 8, c’est bien la seule justification qu’il n’utilise pas pour le rejeter. De même, Dean est toujours sur la défensive lorsqu’il s’agit de sa sexualité. Une blague récurrente des premières saisons est que certaines personnes pensent que Dean et Sam sont en couple. La réaction de Sam n’est presque jamais montrée, en revanche, Dean est TOUJOURS celui qui réagit. Dans « Playthings », lorsqu’il se rend compte que la propriétaire pense qu’il est gay, il est immédiatement sur la défensive et cherchera à affirmer sa masculinité dans les scènes suivantes pour prouver qu’il n’est certainement pas gay. Et encore une fois, dans la vraie vie, ça ne veut rien dire, mais en fiction c’est différent parce que c’est un choix. C’était un choix d’utiliser du temps d’écran pour montrer que Dean a cette énorme insécurité sur ce sujet. En comparaison, Sam s’en fiche complètement : sa réaction lorsque les gens pensent qu’il est en couple avec Dean est au mieux indifférence (il se fiche complètement si les gens pensent qu’il est gay) et au pire un certain dégoût (à cause de l’aspect incestueux) mais jamais il ne prend la chose personnellement ; en 15 saisons, je pense que, pas une seule fois, Sam a prit le temps de dire à qui que ce soit qu’il n’était pas gay. Sam s’en fiche mais pour Dean, il faut ABSOLUMENT que les gens sachent qu’il est hétéro. Ce qui, ajouté à tout le reste, donne surtout l’impression qu’il est dans le placard. Et surtout, quand on ajoute au point précédent, où Dean a tendance à nier aimer/faire des choses qui ne sont, selon lui, pas assez masculines, cette tendance à insister sur son hétérosexualité devient également tout de suite suspecte. Après tout, si Dean à tendance à mentir lorsqu’il fait/aime des choses qui entrent en conflit avec son idée de la masculinité, son insistance sur son hétérosexualité semble tout aussi performative que sa haine envers les chick flicks. Parce qu’encore une fois, un personnage hétéro en fiction n’a pas besoin de nous le dire parce qu’il est hétéro, c’est la supposition de la plupart des spectateurs. Et certaines œuvres essayeront probablement de subvertir cette idée mais une chose est sûre, Supernatural n’est pas comme ça.

Et pour s’ajouter aux deux paragraphes précédents, Dean a aussi une ÉNORME TENDANCE à projeter ses propres problèmes et insécurités sur les autres, en particulier sur Sam. Dean adore se moquer de Sam pour être un nerd alors que Dean est un plus gros nerd que Sam. Certes, Sam aime bien lire, mais Dean également (il s’y connait en poésie comme le montre l’épisode 2×15, « Tall Tells » ; il est apparemment fan de Vonnegut, à en croire l’épisode 18 de la saison 4, « The Monster at the End of This Book »…). Dans « Like a Virgin » (saison 6, épisode 12), Dean dira que Sam est un nerd dans la même scène où il fait une référence aux Seigneurs des Anneaux. Cette tendance à la projection se retrouve également beaucoup sur tout ce qui concerne la sexualité ou la masculinité. Dean fera plusieurs commentaires sur le fait que Sam aime les sous-vêtements féminins : dans « Skin » (saison 1, épisode 6), il dira que Sam porte des sous-vêtements de femmes lorsqu’il pense que Sam ne l’écoute pas ; dans « Mystery Spot » (saison 3, épisode 11), Dean trouve un soutien-gorge et demande à Sam s’il est à lui ; dans « Long-Distance Call » (saison 3, épisode 14), Dean dira à Sam de ranger ses sous-vêtements parce qu’ils vont partir, utilisant le terme « panties », un terme utilisée pour parler de sous-vêtement féminins. Pourtant, le personnage qui, canoniquement, aime porter des sous-vêtements féminins, c’est Dean : dans « The End », pour convaincre le Dean du futur qu’il est vraiment Dean, il dira à son double que lorsqu’il avait 19, une ex à lui lui a fait essayer ses sous-vêtements, qui étaient « roses et satinés » et qu’il a aimé ça. Dans « Dream A Little Dream of Me » (saison 3, épisode 10), Sam fait un rêve érotique avec Bela. Lorsqu’il se réveille, Dean lui demande s’il a fait un rêve érotique sur Angelina Jolie ou sur Brad Pitt. Dans Bedtime Stories (saison 3, épisode 5), Dean dira « Dude, could you be more gay? » parce que Sam connait le conte de Cendrillon et que c’est un truc de fille, même si le reste de l’épisode rend assez évident que Dean connaît aussi des contes de fées (et pas uniquement parce qu’il a vu la version porno comme il le prétend). Il est évident que Dean a une tendance à projeter ses insécurités sur Sam, il est donc probable que lorsqu’il fait des commentaires sur la sexualité et la masculinité de Sam (aimer des trucs de filles, aimer des sous-vêtements féminins, faire des rêves érotiques avec Angelina Jolie ou Brad Pitt…), ce genre de commentaire en révèle bien plus sur Dean que sur Sam.

Alors oui, une seule de ces choses ne serait pas suffisante mais ce n’est pas juste une chose, c’est l’addition de tous ça qui fait que Dean, à ce stade, est selon moi queer par tous les aspects sauf celui où il le dit explicitement à voix haute. Parce que la série a refusé de le faire, préférant laisser sa sexualité avec le chat de Schrodinger. On a l’impression que la série est constamment en train de réaliser un numéro d’équilibriste, où Dean est écrit comme ça mais jamais assez explicitement pour que les personnes qui ne veulent pas le voir puissent prétendre que ce n’est pas là. La série utilise des blagues parce qu’elle sait que pas mal de personnes considèrent que ça ne compte pas parce que c’est sous la forme d’une blague. La série peut mettre beaucoup de sous-texte, parfois même du sous-texte ULTRA explicite, si c’est jamais dit à voix haute, ces gens là peuvent toujours prétendre ne pas le voir ou se convaincre que ça ne compte pas vraiment parce que c’est du sous-texte. Parce que je vous assure, il n’est pas possible de regarder la série et arriver à une autre conclusion que Dean est au moins légèrement bisexuel sans faire un effort de déni. Et encore, vous remarquerez que j’ai presque complètement ignoré Castiel dans cette partie, c’est pour vous montrer que ce n’est pas qu’une question de romance : même sans Castiel, Dean est incroyablement bisexuel, alors quand on l’ajoute à l’équation, il n’y a plus de doute possible.

2. « Happiness isn’t in the having » : Castiel, l’ange avec un défaut de conception

Alors, le truc, c’est que pour Dean, j’ai tenu à séparer Castiel de sa bisexualité, mon but étant de montrer que dans le cas de Dean, même si Castiel n’était pas présent, il serait toujours extrêmement queer-codé. Avec Castiel par contre, il ne va pas être possible de faire une distinction, parce qu’intrinsèquement, le queer-coding de Castiel est connectée à sa relation avec Dean. Ça ne se limite pas à ça évidemment, mais c’est un élément bien trop important pour l’exclure. Ceci dit, comme pour Dean, il est difficile de savoir vraiment comment explorer Castiel.

Déjà, parce que, contrairement à Dean, Castiel est canoniquement queer. On peut débattre de son identité plus en détail si on a envie mais le fait est, il est canoniquement amoureux de Dean, ce qui fait qu’il est queer. En même temps, faire comme si une déclaration d’amour (et donc une confirmation du fait qu’il n’est pas hétéro) efface 12 ans de queerbait serait malhonnête.

Le truc, c’est que je ne pense pas que c’était l’intention d’Eric Kripke de faire de Cas un personnage queer et pourtant, dès son apparition, on a une intrigue qui était déjà remplie de sous-texte queer. Si, d’un point de vue littéral, on a un ange, au sens biblique du terme, qui va se rebeller contre le Paradis et décider d’aider des humains à sauver le monde, au sens plus métaphorique, on a un homme qui fait parti d’un groupe religieux extrémiste qui va remettre en question les dogmes du dit groupe religieux parce qu’il développe une relation profonde avec un autre homme. Le sous-texte queer est ultra présent. Si on ajoute à ça le fait que Jensen Ackles et Misha Collins ont une alchimie électrique et la présence dès le départ de certains choix qui se lisent comme romantique (des choix de cadrage, de montage ou même certains choix narratif), évidemment que la « relation profonde » devient romantique et que cela code directement Cas en personnage queer.

Le fait est, quand je dit qu’on ne peut pas ignorer Dean quand on veut parler du fait que Castiel est queer parce qu’on va pas se mentir, le monde de Castiel tourne un peu autour de Dean (du moins jusqu’en saison 12, où Dean devient 50% du monde de Cas, les autres 50% étant Jack). De façon répétée, Castiel dit explicitement qu’il s’est rebellé pour Dean, qu’il a une connexion profonde avec Dean, qu’il fait tout ce qu’il fait pour protéger Dean… Castiel est prêt à compromettre tout ce qu’il croit, à ce compromettre lui-même, à compromettre le monde si cela veut dire protéger Dean. Il travaille avec Crowley pour laisser Dean hors des problèmes surnaturels. En saison 10, lorsque Dean est sous l’emprise de la marque de Cain, Castiel le défendra quoi qu’il arrive : il le défendra contre Claire lorsque cette dernière dit que Dean est un monstre, il dira à Dean lui-même qu’il devrait le regarder brûler le monde sous l’emprise de la marque (sans jamais émettre l’idée de l’arrêter par la force, il faut que Dean l’écoute, mais il ne veut pas le forcer). Même si Castiel fait des choses de son côté, on a toujours l’impression chez lui que Dean est toujours une priorité, qu’il est prêt à tout lâcher pour l’aider, qu’il fait ce qu’il fait pour l’aider (que Dean demande de l’aide ou non) ou pour le protéger…

Plus les saisons avancent et plus Cas devient le love interest de Dean. Entre les saisons 4 et 6, je dirais que Cas prend parfois, occasionnellement des rôles romantiques dans l’intrigue de Dean, ou du moins des sous-textes très romantiques, avec des épisodes comme « The Man Who Would Be King » (saison 6, épisode 20). Ceci étant dit, c’est un saison 7 qu’on a le droit à un véritable changement de rôle pour Castiel, qui prend, narrativement, la place du love interest dans la vie de Dean. En effet, Cas « meurt » au début de la saison 7 mais on apprend dans « The Born-Again Identity » (saison 7, épisode 17) qu’il est en réalité en vie. Outre les nombreux tropes de l’épisode qui sont ultra romantiques (l’amnésie, Dean qui a gardé le manteau de Cas pendant toute la saison 7…), on assiste surtout à une renaissance pour Dean-et-Cas et leur relation. A partir de là, Cas devient le love interest de Dean et pour Castiel, cela veut dire que le queer-coding autour de son personnage s’intensifie au maximum.

La saison 8 est probablement l’une des plus gay de la saison et c’est le cas pour Cas également. Tout ce qui concerne le purgatoire est rempli de trope romantique : Castiel qui cherche à protéger Dean en restant loin de lui, sa jalousie envers Benny… Mais le plus intense reste ce que j’ai envie d’appeler « l’arc de la thérapie de conversion ». En effet, en saison 8, on apprend que les anges rebelles sont lobotomisés pour rentrer dans le rang et que Castiel a toujours posé problème. Naomi performe littéralement une lobotomie sur Castiel et dira qu’elle l’a réparé. Et surtout, la saison met en avant que cette « remise dans le rang » est intrinsèquement liée à Dean : dans « Goodbye Stranger », on apprend que Cas a dû s’entraîner à tuer Dean et uniquement Dean, le sous-entendu étant que Naomi croit sincèrement qu’elle peut convaincre Cas de tuer n’importe qui SAUF Dean, que Dean a une place trop spéciale dans la vie de Cas et que cette relation est un problème. Et d’ailleurs, malgré plusieurs milliers d’entraînement, lorsque le moment vient pour Cas de le faire, il se rebelle encore une fois et c’est sa connexion avec Dean qui lui permet de briser le contrôle avec Naomi.

Et ça va continuer pendant tout le reste de la série. Cas mettra presque toujours le bien-être de Dean avant tout le reste (les seules exceptions étant légitimement des situations concernant Jack, son fils et même là, Dean reste une priorité pour Castiel). Cas défend Dean contre n’importe qui, que ça soit physiquement ou le défendre d’attaque verbale. Castiel admettra volontiers qu’il est prêt à tout les sacrifices, à compromettre le monde entier pour Dean : Cas, qui s’est rebellé pour stopper l’apocalypse, dira en saison 10 à un Dean de plus en plus sous l’emprise de la Marque de Caïn qu’il sera probablement le seul en vie lorsque Dean succombera complètement à la marque et qu’il devrait regarder Dean détruire le monde, sans jamais émettre l’idée de physiquement l’en empêcher (ou même de le stopper de façon permanente). S’il fait plusieurs fois des promesses à Dean, de l’arrêter si jamais il perd le contrôle, la réalité c’est que dès que Cas se retrouve dans une position où il devrait le faire, il refuse : il ne se défend pas contre Dean dans « The Prisoner » (10×22), il refuse de laisser Dean se sacrifier dans « Damaged Goods » (14×11)… Il est tellement prêt à tout pour Dean qu’il se sacrifiera pour lui avec le sourire aux lèvres en saison 15.

Et d’une certaine façon, c’est parfaitement logique. L’intrigue de Cas dans les saisons 4 et 5 tourne autour de Dean : son évolution est intrinsèquement liée à Dean, il ne se rebelle pas s’il ne développe pas de relation avec Dean. La fondation de Castiel en tant que personnage est connectée à sa connexion forte avec Dean et la relation ne fait que grandir et devenir plus intense au fur et à mesure. Et la fondation de son arc en saison 4 est lié à une romance avec Dean, même si ce n’était pas l’intention. J’en parlerai plus en détail dans la partie suivante mais Cas ne devait pas rester aussi longtemps, le personnage d’Anna était supposé prendre sa place en tant « qu’ange principal » et Anna était la love interest de Dean. Kripke et son équipe ont décidé de donner l’intrigue à Cas (parce qu’il était, objectivement, un personnage plus intéressant) sans fondamentalement la changer. Du coup, la fondation est là, une fondation où la relation entre Dean et Cas est romantique. C’est presque ironique que l’intrigue de la saison 15 soit sur des personnages qui se rebellent contre l’auteur pour leur libre arbitre quand Castiel fait ça depuis le début. D’une façon méta très marrante, Cas est un personnage que les auteurs n’arrivent pas à contrôler : ils n’arrivent pas à le tuer sans que les fans se rebellent et que les vues en subissent les conséquences. C’est comme si le personnage avait sa propre volonté et imposait sa volonté aux scénaristes et cette volonté, c’est qu’il est totalement queer. On peut dire merci à Misha Collins pour ça, quand on voit ses interviews et interventions en conventions, c’est évident qu’il s’est toujours battu pour son personnage et notamment qu’il a toujours été favorable à ce que son personnage soit queer et amoureux de Dean et l’a joué ainsi à de nombreuses reprises.

Ceci étant dit, si Dean prend une grande place dans le queer-coding de Cas, ce n’est pas non plus la seule chose. Comme je l’ai dit, son intrigue consistant à se rebeller contre un organisme religieux est très queer-codé. Et une fois que Cas est presque devenu queer contre la volonté des scénaristes (dans le sens où ils se sont clairement rendu compte un peu trop tard que Cas était TRÈS queer-codé et qu’il était TRÈS sous-entendu qu’il était amoureux de Dean), ils ne se sont pas privés pour mettre quelques éléments qui semblent être pensé pour se moquer de Cas parce qu’il est efféminé (aka « gay », ce qui est un raccourci stupide mais c’est clairement celui de la série), comme par exemple le fait que Cas a tendance à prendre des pseudos de pop-star féminine lorsqu’il se fait passer pour un agent fédéral. Ou de se moquer de sa relation pour Dean (« Sorry you have me confused with that other angel. You know the one in the dirty trench coat who is in love with you » dira Balthazar en saison 6). Ou même utiliser des insultes homophobes contre lui parce que pourquoi pas (Métatron le traite de « Nancy », ce qui est une insulte homophobe en anglais. Fun fact, dans « Time After Time » [saison 7 épisode 12], Eliot Ness traite également Dean de « nancy », je ne savais pas où le placer dans la partie sur Dean donc on va mettre ça là mais voilà).

Il y a également ses relations avec les différentes femmes avec qui il a eu des relations qui se veulent romantiques/sexuelles et qui, pour moi (mais pour le coup, ce n’est que mon avis), ne vont que renforcer mon idée que Castiel est gay (dans le sens, exclusivement attiré par les hommes), ce qui peut sembler étrange mais j’ai mes raisons. Déjà, il y a eu Meg : ils se sont embrassés en saison 6, mais au final, je trouve que le baiser, du côté de Cas, fait plus « expérience » que légitime marque d’affection. Dans le même épisode, Cas regarde un porno et essaye de comprendre la dynamique entre le « livreur de pizza » et la « baby-sitter » ; plus tard, lors du baiser, il fera référence au « livreur de pizza ». Et surtout, c’est le seul épisode qui met réellement en avant un lien potentiellement romantique entre Meg et Cas : après ça, leur relation est plutôt amicale du côté de Cas (même si Meg semble développer des sentiments pour lui de son côté). S’il est évident que Cas a de l’affection pour elle, il semble la voir plus comme une amie proche qu’autre chose. Il y a eu Daphné, sa femme lorsqu’il était amnésique. Ensuite, on a April, avec qui il a eu une relation sexuelle en début de saison 9. Mais dans ces deux cas, on a une situation assez similaire : Castiel est dans une situation vulnérable (il est confus et amnésique lorsque Daphne le trouve ; il est sans-abri et humain lorsqu’April le trouve) et du coup, il est difficile d’établir à quel point Castiel est légitimement intéressée par elle et à quel point ses relations sont plus liés à une une vulnérabilité et une envie de contact humain (après tout, Cas n’a aucun problème a abandonné Daphne dès qu’il se souvient de qui il est et sa relation avec April est extrêmement douteuse d’un point de vue de consentement, vu qu’April ment sur son identité pour se rapprocher de lui et le tuer). Enfin, il y a Hannah et là, c’est tellement à sens unique du côté de Hannah que j’ai presque de la peine pour elle : Hannah n’est absolument pas subtile avec ses signaux pour indiquer qu’elle est intéressée et Cas ne les comprend pas ou la rejette clairement. Elle l’embrasse et clairement, il ne l’embrasse pas en retour. C’est d’ailleurs amusant de remarquer que Cas et Hannah ont plus d’alchimie lorsque Hannah change de corps et prend une apparence masculine.

3. « You asked what about this is real. We are. » : Destiel, entre queerbait et queer-coding

Et donc on arrive au mythe, à la légende : Destiel, ou le nom-valise pour désigner la relation entre Dean et Castiel. Cette partie a été difficile parce qu’il y a de la matière, tellement de matière que trouver une façon d’organiser ma pensée de façon cohérente a été un challenge. Au final, j’ai décidé de faire les choses ainsi : il y a eu 4 showrunners différents dans l’histoire de la série et chaque showrunner a eu sa propre patte et ça inclut, sa façon de gérer la relation entre Dean et Cas. Du coup, on va se concentrer sur la relation, showrunner par showrunner.

a. Eric Kripke : showrunner de la saison 1 à 5

Eric Kripke est le créateur de la série et a donc été le showrunner pour les 5 premières saisons. Même si la série a évolué (sur certains aspects) lors de sa très longue durée de diffusion, on ne peut pas nier que la période Kripke est la fondation de la série. Et c’est un peu pareil pour Destiel : les showrunners d’après vont clairement faire beaucoup plus pour développer la relation vers quelque chose de plus romantique mais la fondation se trouve dans la période Kripke. Le truc avec Destiel dans cette période de la série, c’est que c’est complètement accidentel : je pense que les gens qui travaillent dernière la caméra n’ont pas vraiment remarqué à quel point le sous-texte queer était présent dès le départ, sans parler du fait que l’existence même de cette intrigue est en elle-même un heureux accident, sur plusieurs aspects. Déjà, le plan original de Kripke n’incluait pas les anges : en fin de saison 3, Dean meurt et va en enfer à cause de son deal avec un démon mais le plan original était que Sam allait sauver Dean. Cependant, la grève des scénaristes de 2007 a provoqué beaucoup de problèmes à Hollywood. Dans le cas de Supernatural, ça a obligé le network a raccourcir la saison 3, qui ne fait que 16 épisodes au lieu des traditionnels 20-23, et donc, la saison se conclut sur Dean en enfer, ce qui a forcé Kripke et son équipe à trouver une autre solution pour sauver Dean. Après réflexion, le choix s’est finalement porté sur les anges et donc, le personnage de Castiel a été créé et je pense que beaucoup de monde est d’accord pour dire que l’inclusion des anges a été ultra bénéfique à la série, permettant d’étendre l’univers de la série et lui permettant de se renouveler, ce qui était une TRÈS bonne chose. Mais ce n’est pas le seul accident qui a mené à Destiel. À l’origine, Cas était supposé être un personnage pour quelques épisodes avant de se faire tuer. Son contrat a été étendu, d’abord à quelques épisodes supplémentaires et puis finalement, il a carrément pris la place de l’ange le plus important dans la série, remplaçant un autre personnage (on va y revenir). Castiel s’est assez rapidement imposé comme un favori chez les fans, pour son intrigue intéressante, son côté badass et attachant et pour sa relation intéressante avec Dean. Mais ce changement a vraiment contribué au queer-coding des personnages.

Alors, ce qu’il faut comprendre, c’est que Cas n’était pas supposé être l’ange principal de la série : non, ce rôle devait à l’origine revenir à Anna, un personnage introduit dans l’épisode « I Know What You Did Last Summer » (épisode 9). Anna est un ange déchue qui vit auprès des humains et elle récupère ses pouvoirs d’anges dans l’épisode 11. Elle est également introduite comme un love interest pour Dean. Mais voilà, le trucs avec les scénaristes de Supernatural, c’est qu’ils sont un peu misogynes sur les bords, ce qui veut dire qu’ils ne savent pas écrire les personnages féminins, en PARTICULIER lors de la période de Kripke (toutes les saisons ont ce problème, mais on ne peut pas nier que sur ce point là, la série s’est un peu amélioré avec le temps, on a eut des personnages comme Charlie à partir de la saison 7, Claire et Rowena à partir de la saison 10 ou encore Eileen à partir de la saison 11), ce qui veut dire qu’Anna n’a pas été ultra apprécié et je comprends pourquoi, elle n’est tout simplement pas bien écrite. En revanche, Castiel, un autre ange introduit dans cette saison s’est révélé être beaucoup plus intéressant : la relation entre Dean et Cas est clairement plus intéressante (puisqu’elle évolue au cours de la saison, dingue je sais) et Misha Collins est un excellent acteur qui arrive très rapidement à donner une vraie personnalité à Castiel et une certaine profondeur. Quand on ajoute à ça que le personnage est un personnage masculin, ce qui lui donne l’avantage parce qu’encore une fois, les scénaristes ne savent pas écrire des personnages féminins, et la décision a été prise de remplacer Anna par Castiel. Et déjà vous pouvez voir comment cette décision va créer un sous-texte romantique, même si on va être honnête, le sous-texte était déjà présent avant.

Parce que oui, parlons donc de ce fameux sous-texte. Avant même l’introduction d’Anna, il y avait déjà quelques éléments de sous-texte. Le plus notable sont les choix de cadrage et de jeu d’acteurs lors des discussions entre Cas et Dean : les deux sont souvent ULTRA proches l’un de l’autre, on dirait que les deux étudient le visage de l’autre et la manière de filmer accentue cette intimité entre eux. On a aussi un relation intéressante qui se développe en quelques épisodes : d’abords assez hostile et tendue, on les voit rapidement développé une forme de respect mutuel, notamment dans l’épisode « It’s the Great Pumpkin, Sam Winchester » (épisode 7), où Dean et Cas ont une discussion où Cas avoue avoir des doutes sur sa mission divine. Ou encore, une scène dans l’épisode 10 où Uriel dit à Dean que Castiel a une faiblesse, « he likes you » (traduction : « il t’apprécie »). Mais l’introduction d’Anna et son remplacement éventuel par Castiel accentuent énormément ce sous-texte. Déjà, il y a l’étrange trio/triangle amoureux que forme Anna/Dean/Cas et je n’arrive pas à savoir exactement quelle était l’intention de base ici. Lors d’une scène de sexe entre Anna et Dean, cette dernière met sa main sur la marque que Castiel a laissé sur l’épaule de Dean. Ce n’est pas forcément la première fois que cette marque a une connotation sensuelle, Paméla dès l’épisode 1 permet de lui donner ce sens là par son attitude mais rien n’est plus explicite que ce geste d’Anna. Selon moi, c’est vraiment ce geste qui recontextualise la marque non pas comme un élément scénaristique utile (puisque la marque aide Dean a trouver Castiel au début de la saison) mais aussi comme un élément clairement romantique. C’est comme si Castiel avait laissé cette marque sur Dean dans un contexte romantique, une sorte de marque de possessivité (comme s’il voulait garder cet humain pour lui-même) et que par ce geste, Anna essayait de se l’approprier : en somme, c’est comme si Cas et Anna étaient en train de se battre pour Dean. De plus, on a également la scène où Anna et Dean s’embrassent avant que la caméra ne coupe sur la réaction de Castiel (et uniquement Castiel, même si Uriel est également présent), ce qui donne l’impression que Castiel est jaloux d’Anna. Alors, j’ai lu des gens supposés que l’intention de base était de montrer que Castiel est jaloux de Dean (et donc, si triangle amoureux il y a, Anna devait en être le centre), mais j’avoue qu’il m’est impossible de lire la scène ainsi : Dean est tellement au centre du plan, on a l’impression qu’il est l’objet de désir plus qu’autre chose. Ceci dit, plus que ça, le remplacement d’Anna par Cas donne à Castiel une intrigue qui devient ultra queer parce que je pense que les scénaristes n’ont pas réalisé que donner l’intrigue d’un personnage à un autre sans grande modification n’allait pas en changer le sens radicalement juste parce que l’un des personnages est une femme et l’autre un homme. La série construit un conflit entre Sam et Dean, où Sam devient un peu le « champion de l’Enfer » pendant que Dean est plus celui du Paradis. Ce conflit se construit également avec l’autre relation importante que les frères développent chacun de leur côté : Sam avec Ruby et Dean avec Castiel. Si les parallèles entre Ruby et Castiel existaient avant l’épisode 9 (notamment, l’introduction de Cas et de Ruby suit un schéma identique : introduction badass pour sauver l’un des frères, le frère qui demande à ce nouvel individu qui elle/il est et elle/il répondu une version de « je suis la personne qui t’as sauvé » : « I’m the girl that just saved your ass » et « I’m the one who gripped you tight and raised you from perdition »), il s’accentue dans le reste de la saison. Si les épisodes 9 et 10 mettent en avant le parallèle Dean/Anna et Sam/Ruby, le reste de la saison ignore plus ou moins complètement Anna et du coup, la relation humain/ange qui fait opposition à la relation humain/démon, c’est Dean et Cas. Alors que Sam devient de plus en plus proche de Ruby, Dean se rapproche de Cas. Et alors que Sam commence à se tourner vers Ruby lorsqu’il a besoin d’aide, Dean se tourne vers Cas. Et puis, toute l’intrigue de Castiel dans cette saison tourne directement ou indirectement autour de sa relation avec Dean. Castiel est un ange dévoué qui rencontre un être humain, développe une relation privilégiée avec le dit humain, commence à douter de sa mission divine. Il décide de l’aider indirectement mais se fait rattraper par son camp, brainwasher mais malgré tout, sa relation avec cet humain est assez forte qu’au moment venu, il décide de tout sacrifier pour l’aider. L’intrigue a un gros sous-texte queer, en mode « Castiel est dans une famille/communauté religieuse mais développe des sentiments romantiques pour un homme et malgré les efforts de sa famille/communauté pour le maintenir dans le Droit Chemin™ il finit par les abandonner pour cet homme » et l’aspect romantique est d’autant plus évident quand on sait qu’il s’agissait à l’origine de l’intrigue d’Anna, qui était le love interest de Dean.

En saison 5, cet aspect là n’est pas aussi central vu que l’intrigue a été créée spécifiquement pour Castiel mais les connotations romantiques ne sont pas absentes pour autant. On continue à avoir des moments où Dean et Cas sont très proches physiquement l’un de l’autre, au point où Dean fait la remarque à Cas dans l’épisode « Free to Be You and Me » (épisode 3), tout en regardant clairement ses lèvres. Je trouve cet aspect d’autant plus drôle que je sais que la blague c’est que Cas étant un ange, il ne comprend pas les conventions humains mais ceci dit, ça semble être un problème exclusif à Dean : Castiel n’est jamais dans l’espace de Sam ou Bobby comme il le fait avec Dean. Dans ce même épisode, il compare sa relation avec Castiel à celle des personnages de Thelma et Louise dans le film éponyme : dans ce film, les deux personnages sont queers, elles s’embrassent même à la fin (dans la scène que Dean référence d’ailleurs). Il mentionne aussi le fait que Bert et Ernie (des Muppets) sont gays sans aucune raison avant de dire qu’il ne va pas laisser Castiel mourir sans avoir couché avec quelqu’un (je suis toujours convaincue qu’une partie du scripte a été coupée, parce que mentionner ces deux choses ensemble sans qu’on ait une raison pour mentionner Bert et Ernie semble surtout donner l’impression que Dean se porte volontaire pour que Cas ne meurt pas vierge). Toujours est-il que cette scène fait aussi référence à une scène entre Dean et Anna une saison plus tôt, avec la réplique « last night on Earth », qu’Anna utilise pour séduire Dean. Cette histoire de « Last Night on Earth » est ramené également en saison 5 entre Jo et Dean dans l’épisode « Abandon All Hope… » (épisode 10), et encore une fois, le contexte est romantique. On a des moments comme dans « The End » (épisode 4) où Dean est envoyé dans un futur apocalyptique par Zachariah pour le convaincre d’accepter son rôle de « épée de Michael ». Dans ce futur, il fait face à un Cas humain et à une version de lui-même plus cruelle. Lorsque le Dean du futur propose un plan qui consiste à se servir de ses alliés comme appât, Dean du présent est scandalisé « Tu veux dire que tu comptes jeter tes amis dans la gueule du loup? Cas aussi? » : on remarque que, dans la tête de Dean, Cas appartient à une catégorie différente, mettant en avant encore une fois que les deux ont une relation privilégiée. Ou encore, comment la saison 5 nous dit de façon explicite deux fois que Castiel a chuté pour Dean : pas parce que c’était moralement la bonne chose à faire, non, il l’a fait pour Dean. Quand Dean envisage d’accepter de servir de véhicule à Michael, Castiel est enragé parce que, encore une fois, il a tout abandonné pour Dean et l’idée qu’il a fait tout ça pour Dean pour que ce dernier laisse tomber au dernier moment le met très en colère.

Donc oui, je pense qu’on peut dire avec certitude que lors de la période de Kripke, Destiel était un accident, provoqué par l’excellente alchimie entre Jensen Ackles et Misha Collins, par le fait que les créateurs n’ont clairement pas vu le sous-texte queer et le fait que la misogynie des créateurs s’est un peu retourné contre eux dans le cas du remplacement d’Anna par Cas. Donc vraiment, ces deux saisons sont la base de la relation. En gros, si le plus gros héritage de Supernatural est Destiel (et je dirais que c’est le cas, je vous assure, dans quelques années, c’est cet aspect de la série qui sera le plus connu), c’est surtout parce que les auteurs de Supernatural sont tombés dans une intrigue fantastique par accident.

b. Sera Gamble : showrunner des saisons 6 et 7

Sera Gamble n’a pas récupéré la série au meilleur moment et franchement, je n’envie pas sa position. La saison 5 se conclut quand même sur Sam et Dean (avec l’aide de Cas et Bobby) qui arrêtent l’Apocalypse, et dans ce sens, je veux dire L’APOCALYPSE, au sens biblique du terme. Difficile de décider quoi faire après ça. Et effectivement, sur pas mal d’aspect, les saisons 6 et 7 sont des saisons de transitions pour la série, qui a dû trouver une nouvelle identité après les 5 premières saisons. Je sais que Sera Gamble est beaucoup critiqué par les fans et je comprends, ses saisons ont des problèmes, mais il faut dire ce qui est, elle n’était pas dans une période facile pour la série et ses deux saisons ont quand même apportés beaucoup de choses vraiment cool à la série (notamment les personnages de Garth, Charlie et Kevin, ainsi que deux de mes épisodes préférés avec « The Man Who Would be King » et « The Girl with Dungeons and Dragons Tattoo »). En ce qui concerne Destiel on est aussi dans une phase de transition : celle du passage de queercoding (accidentel) à queerbait. Ceci dit, les choses ont évolué à un certain rythme.

Pour la majorité de la saison 6, je dirais que le queerbaiting de Dean et Cas n’est pas énorme. Il a la forme que j’appelle « queerbait comme blague », c’est-à-dire qu’on fait des blagues qui référencent clairement la relation mais ce n’est jamais pris au sérieux. Ce sont des choses comme la première apparition de Cas, où après avoir ignoré Sam pendant 1 an, il arrive à la seconde où Dean l’appelle et commente que lui et Dean ont un lien plus profond : ici, la blague c’est que Cas ne se rend pas compte que ça sonne un peu gay à cause de son décalage avec les conventions sociales. Ou encore, on a la scène où Balthazar dit à Dean qu’il l’a pris pour l’autre ange, « celui dans le trenchcoat sale qui est amoureux de lui », suivi d’une réaction de Dean. Ou encore la blague où Bobby, Sam et Dean doivent appeler Cas et Bobby et Sam se tournent immédiatement vers Dean pour qu’il prie. Lorsque Dean réagit en disant qu’il ne comprend pourquoi il doit toujours être celui qu’il l’appelle parce que « It’s not like Cas lives in my ass » (traduction : « c’est pas comme si Cas vivait dans mon cul »), avant que Cas apparaisse derrière lui et que Dean se retourne et s’exclame « Cas, get out of my ass! » (traduction: « Cas, sort de mon cul »). Ce n’est pas de l’humour super fin dans ce cas là, mais le sous-entendu sexuel est assez évident. On a aussi le fait que ce début de saison insiste pas mal sur le fait que Cas est plus proche de Dean : il vient presque toujours quand ce dernier a besoin de lui, fait preuve de beaucoup de patience à son égard même si Dean n’est pas super compréhensif de sa situation… A l’inverse, Bobby et Cas ont très peu d’interaction en face à face et la relation entre Cas et Sam est assez antagonique (en particulier au début de la saison). Il est assez évident que Cas préfère Dean et il est aussi assez évident qu’il met sa sécurité en priorité : par exemple, dans « My Heart Will Go On » (épisode 17), Cas abandonne un avantage stratégique dans sa lutte contre Raphaël pour protéger Dean (et accessoirement Sam mais la façon de filmer insiste plus sur Dean). Ceci dit, on reste soit sur des choses qui sont facilement interprétable platoniquement (ce n’est pas parce qu’il est plus proche de Dean qu’il est nécessairement amoureux de lui) ou sont des blagues (et même si, fun fact, les blagues comptent comme canon, ça nous force à ne pas forcément prendre ce qui est dit au premier degré). Du côté de Dean, il a également une relation spéciale avec Cas : déjà, il s’agit de la seule personne de sa vie qui n’est pas un membre de sa famille (soit par le sang, comme Sam, soit parce qu’il a grandi avec cette personne comme Bobby) et il semble avoir vraiment confiance en Cas. Il se tourne régulièrement vers lui lorsqu’il a besoin d’aide par rapport à Sam ou pour d’autres choses. Il est assez évident que Dean fait vraiment confiance à Cas et que peu de personnes dans sa vie ont une place aussi importante. Mais encore une fois, si tout ça joue sur le côté shipping de la chose (puisque ça nous donne plus de matériel sur la relation), il n’empêche que le tout reste assez facilement platonique. Et puis, il y a « The Man Who Would Be King » et on a soudainement un shift.

Outre le fait que « The Man Who Would Be King » est objectivement l’un des meilleurs épisodes de la série (Ben Edlund reste l’un des meilleurs auteurs de la série avec Robbie Thompson et Robert Berens à mon humble avis), mettant en avant Cas et nous donnant une de mes citations préférés de la série (« Freedom is a length of rope. God wants you to hang yourself with it. » ; traduction « La liberté est une corde. Dieu veut que vous vous pendiez avec », pour une série avec une écriture aussi médiocre, Supernatural a des citations incroyables, parce qu’on a aussi des trucs genre « May God save us from half the people who think they’re doing God’s work » dans Faith (saison 1, épisode 12), ce qui veut dire « que Dieu nous protège de la moitié des gens qui pensent agir en Son Nom » et encore une fois BANGER, désolé pour l’aparté). Mais l’une des choses que « The Man Who Would Be King » fait, c’est aussi complètement changer la manière de traiter Destiel : cet épisode passe de « queerbait comme blague » à quelque chose de beaucoup plus sérieux et ce changement va se continuer pour le reste de la série. « The Man Who Would Be King » (qu’on va raccourcir avec l’acronyme « TMWWBK » pour la simplicité le titre est long ok) met dans la relation entre Dean et Cas un sous-texte très romantique et le traite de façon 100% sérieuse. C’est le premier épisode à jouer le triangle Dean/Cas/Crowley comme un triangle amoureux et c’est quelque chose qui va devenir plus important dans les saisons à venir (en particulier après la saison 10 mais on ne va pas trop s’avancer). Ici, la décision de Castiel de s’allier avec Crowley et de le faire dans le dos de Dean est presque écrite comme une forme d’adultère, une trahison de confiance assez intime entre les deux. La scène de la confrontation est intéressante sur cet aspect puisque la trahison semble beaucoup plus personnel du point de vue de Dean que de celle de Sam et Bobby : la caméra est plus proche du visage de Dean que de celui de Bobby et Sam, ce qui nous fait comprendre que c’est plus personnel pour Dean que pour les deux autres. Dans cette scène, Dean est également celui avec la réaction la plus émotionnelle : il semble en colère mais aussi clairement blessé et trahi, là où les deux autres montrent de la colère mais semble bien moins affecté. Les échanges de regard entre Dean et Cas sont clairement remplis d’émotions et dès que Castiel cherche à se justifier ou à faire comprendre son point de vue, il a tendance à se tourner vers Dean, comme s’il voulait lui faire comprendre. On a des dialogues qui jouent un peu sur cette interprétation romantique, comme par exemple « where were you when I need to hear it? » (traduction : « où étais-tu lorsque j’avais besoin de l’entendre? ») / « I was there. Where were you? » (traduction : « j’étais là. Où étais-tu? »), que je mentionne notamment parce qu’on retrouve un dialogue similaire dans l’épisode « Bloodlines » (saison 9, épisode 20) dans une scène entre deux personnages qui ont une relation explicitement romantique. L’épisode rend aussi assez évident que les motivations de Castiel sont liées à Dean en particulier, et pas les Winchester. La raison qui a poussé Castiel a accepter l’aide de Crowley est qu’il n’a pas voulu demander de l’aide à Dean, ne voulant pas le ramener dans le monde surnaturel alors qu’il en était sorti. Lorsque Crowley mentionne qu’ils pourraient demander de l’aide aux Winchester pour leur plan, la réponse de Castiel est de dire que Dean a pris sa retraite et il veut que ça reste ainsi, sans aucune mention de Sam. Même lors de la confrontation, Cas justifiera ses actions en disant ceci « I did it to protect you. I did it to protect all of you » (traduction : « je l’ai fait pour te protéger. Je l’ai fait pour tous vous protéger »), montrant encore une fois que Castiel met d’abord la sécurité de Dean en avant (comme Dean le faisait dans « The End », Cas met Dean dans une catégorie à part). Plus tard dans l’épisode, lorsque Cas a été libéré du cercle de feu qui l’emprisonnait et qu’il cherche encore à se justifier, il se tourne encore une fois vers Dean et seulement Dean. De façon générale, l’impact émotionnel de cet épisode est tourné autour de la relation entre Dean et Cas : l’envie de Cas de maintenir les apparences pour préserver sa relation avec les Winchester/Dean, la loyauté de Dean envers Cas et la trahison qui suit. Et on a également ce moment qui hante mes nuits, lorsque Sam, Bobby et Dean doivent s’enfuir et abandonner Cas dans son cercle de feu et que Dean ne peut pas s’empêcher de lancer un dernier regard en direction de Castiel. La raison pour laquelle se moment me hante c’est 1. les émotions qui passent sur le visage de Dean, Jensen Ackles est tellement bon et 2. le fait que ce moment me fait VRAIMENT penser au mythe d’Orphée et d’Eurydice : Dean qui ne peut s’empêcher de se retourner avant de le perdre pour de bon et Cas métaphoriquement en enfer (dans un cercle de feu, travaillant avec un démon), sans retour en arrière possible. Je ne sais pas si c’était l’intention mais c’est présent.

Le reste de la saison 6 continue sur la même lancée avec Dean et Cas, c’est comme si « TMWWBK » avait irrévocablement changé la relation et l’avait transformé en romance tragique : malgré le fait qu’ils tiennent énormément l’un à l’autre, ils sont incapable de trouver un point d’entente, obliger de se battre l’un contre l’autre alors que Cas ne veut que protéger Dean et que Dean n’a pas envie de perdre l’une des personnes les plus importantes pour lui. Cas continue malgré tout d’aider Dean lorsque la situation le demande : lorsque Crowley kidnappe Lisa et Ben (pour rappel, Dean a passé son année sabbatique avec Lisa et Ben, qu’il considère comme un fils pour lui et qui est peut-être son fils biologique), Cas confronte immédiatement Crowley, visiblement en colère, soignera Lisa lorsque cette dernière est à l’hôpital et, à la demande de Dean, effacera leurs mémoires pour les protéger (ce qui n’a pas de sens mais passons).

La saison 7 est fascinante également parce qu’elle continue de rendre la relation entre Dean et Cas de plus en plus romantique mais il s’agit également de la saison où ils ont essayé de se débarrasser de Cas pour de bon (sans succès). Le début de la saison reprend avec les conséquences des actions de Cas : après un moment à se prendre pour Dieu, Castiel est dans un sale état et se retourne vers Dean. Il est évident que Dean, malgré sa rancœur envers Cas, tient encore à lui et est inquiet pour lui. De l’autre côté, Cas, maintenant un peu plus lucide, regrette ce qu’il a fait mais ses regrets semblent se tourner en particulier vers Dean : lorsqu’il parle d’essayer de se racheter, il parle de se racheter aux yeux de Dean. Et puis Cas « meurt » et à partir de là, on va avoir une intrigue pour Dean qui montre vraiment comment cette perte l’affecte négativement. On le voit récupérer le manteau de Cas, le tenant comme le drapeau qu’on donne aux veuves des soldats. On va voir Dean, sous l’effet d’un sandwich qui le rend stone (si vous n’avez jamais vu Supernatural et que vous lisez quand même cet article : ne vous posez pas de questions, cette série est stupide), il admet se sentir soudainement super bien et lorsqu’il cite les raisons pour lesquelles il ne se sentait pas bien avant, il cite Cas en premier, avant les monstres de la saison qui font de leurs vies un enfer. Dans le même épisode, Sam et Bobby discutent de l’état mental de Dean et Sam met également en avant la perte de Cas. On a aussi «  »Repo Man », qui compare la perte de Cas à la perte que Jeffrey a ressenti lorsqu’il a perdu le démon dont il est amoureux et qu’il cherche désespérément à faire revenir. Et ensuite, Cas revient dans « The Born-Again Identity » (épisode 17) sauf qu’il est maintenant amnésique et cet épisode encore une fois contient un fort sous-texte romantique. Déjà, les expressions faciles de Dean lorsqu’il comprend que Cas est là et qu’il ne se souvient pas de lui vont me faire pleurer, on peut voir son cœur se briser à l’écran (Jensen Ackles et ses Jacting Joices). On a le fait que, lorsque Cas retrouve la mémoire, Dean lui redonne son putain de trench coat, d’autant plus important qu’un point de scénario important en saison 7 c’est que les Winchester sont obligés de changer de voiture régulièrement pour éviter les autorité, ce qui veut dire qu’il a également bougé le manteau de voiture en voiture. Et bien sûr, on a le droit à un autre parallèle entre Dean/Cas et une romance dans la série, cette fois Bobby et sa femme Karen (qu’il a tué lorsqu’elle était possédé par un démon). En saison 5, on a un épisode (épisode 15, « Dead Men Don’t Wear Plaid ») où les morts reviennent à la vie à Sioux Falls, ce qui inclus la femme de Bobby. Cette dernière a une discussion avec Dean où elle lui avoue se souvenir de ce qui s’est passé et qu’elle a menti à Bobby en disant le contraire, sa raison étant qu’il se sent coupable et qu’elle veut le protéger de sa peine et sa culpabilité face à sa mort parce que c’est son mari et qu’elle l’aime. Dans « The Born-Again Identity », Dean refuse de dire à Cas la vérité sur qui il est parce qu’il sait que ce dernier se sentirait coupable et il ne veut pas lui imposer cette douleur. Quelques épisodes plus tard, dans « Reading is Fundamental » (épisode 21), on a Dean qui, maintenant que Cas est en vie, doit gérer ses émotions compliquées face à Cas et semble penser que c’est en partie de sa faute si Cas a fait ce qu’il a fait. On le voit lors de sa discussion avec Kevin et plus tard, l’ange Hester en rajoute une couche avec la réplique « the very touch of you corrupts! When Castiel first laid a hand on you in Hell, he was lost! » (traduction : « Ton simple contact mène à la corruption. Quand Castiel t’as touché pour la première fois en Enfer, il a été perdu. » et cette traduction ne rend pas justice à la réplique originale, qui semble extrêmement romantique). Finalement, Dean et Cas semblent se réconcilier à temps pour le final de la saison, Dean montrant qu’il tient à Castiel, même si ce dernier n’est pas au mieux de sa forme : « I would rather have you, cursed or not » (traduction : je préfère d’avoir, maudit ou pas »). D’une certaine façon, c’est le moment où Dean décide qu’il s’en fiche si Cas a fait des erreurs, si Cas est un peu cassé, qu’il le veut avec lui dans le futur.

Je suis très partagée par la période Sera Gamble. Il y a de GROS problèmes (le racisme, la misogynie…) mais c’est cette période de la série qui met en plus les bases pour le reste de la série, maintenant que la période Kripke a pris fin. Et si la période Kripke a posé les bases de la relation entre Dean et Cas, la période de Sera Gamble a posé les bases de comment la relation va être traité dans le futur et c’est cette période qui fait de la relation entre Dean et Cas une part intégrale de la série, ce qui va être renforcée avec notre prochain showrunner.

c. Jeremy Carver : showrunner de la saison 8 à 11

Notre troisième showrunner est donc Jeremy Carver, qui a commencé à travailler sur la série lors de la 3ème saison. Sans vouloir faire trop de supposition parce que je ne connais pas le monsieur, je pense qu’il est soit lui-même pro-destiel (il a, après tout, écrit « Free to Be Your and Me », un épisode avec BEAUCOUP de sous-texte) ou alors, il avait au moins conscience de l’intérêt des fans pour le couple et donc, de l’intérêt de jouer sur le couple dans un sens purement marketing. Ça explique probablement pourquoi la saison 8, sa première saison en tant que showrunner, est probablement la saison la plus gay de Supernatural.

Car oui, en regardant la saison 8, je pense sincèrement que la possibilité de rendre Destiel canon a été abordée derrière la caméra voir même réellement envisagée ou alors, c’est la saison où il a été décidé d’aller plus loin dans le queerbait. Quoi qu’il en soit, la saison 8, c’est la saison où la série a indubitablement creusé sa tombe, c’était le point de non-retour : jusqu’à présent, si la relation entre Dean et Cas avait de l’importance, il était encore possible de faire marche arrière. Après la saison 8? Impossible. On arrive à un stade où le sous-texte n’est plus une question d’interprétation, où il est possible de se dire qu’on voit des choses à un stade où le sous-texte est juste du texte qui ne s’assume pas. Dean est Cas ont le droit à plusieurs parallèles avec des couples de la série, de façon « subtile » (dans le sens où il faut se souvenir du parallèle pour le voir) au parallèle direct avec le texte de la saison actuelle. Ainsi, on a un parallèle entre Sam/Jess et Dean/Cas, lorsque Dean, croyant Cas mort, pense avoir des hallucinations de ce dernier, notamment une au bord de la route, reprenant ainsi un visuel de la saison 1 pour Sam et Jess. Lors de la scène de la crypte dans « Goodbye Stranger » (épisode 17), le dialogue de Dean fait écho à un dialogue de Bobby et Ellen dans « My Heart Will Go On », épisode dans lequel les deux sont mariés (Bobby dit à Ellen « we need you. Especially me », ce qu’on peut traduire par « nous avons besoin de toi. Moi en particulier » ; Dean dit à Cas « we need you. I need you », soit « nous avons besoin de toi. J’ai besoin de toi »). L’intrigue de début de saison pour Sam comprend un triangle amoureux entre lui, Amélia et le mari de cette dernière Don, tandis que Dean se retrouve au milieu d’une dynamique similaire avec Benny et Cas, où Dean a le rôle d’Amélia, Benny celui de Sam et Don celui de Cas : Amélia a perdu son mari (elle ne sait pas s’il est mort, il est porté disparu parce que son mari est un soldat) tout comme Dean a perdu Cas (il n’est pas mort mais ils sont séparés et Dean essaye de le trouver). Amélia rencontre Sam, avec qui elle forme une nouvelle relation, tout comme Dean rencontre Benny, avec qui il lie une relation. Mais finalement, Don n’est pas mort et Amélia se retrouve entre deux personnes, tout comme Dean finit par retrouver Cas et se retrouve entre les deux. Et dans les deux cas, ils choisissent l’ancienne personne, du moins au début : Amélia et Sam décident de se séparer pour permettre à Amélia de retrouver son mari et Dean privilégie la vie de Cas à celle de Benny, décidant que personne ne quittera le Purgatoire si Cas ne part pas avec eux (mettant ainsi la survie de Cas au dessus de celle de Benny et accessoirement la sienne). La structure est la même et la seule réelle différence, c’est que Sam/Amélia/Don est explicitement romantique, alors que Benny/Dean/Cas reste dans le sous-texte. Lorsque Castiel revient à la vie dans « A Little Slice of Kevin » (épisode 7), il a même droit à une scène qui est filmé comme une scène de relooking d’une comédie romantique : caméra qui film Cas des pieds à la tête (un mouvement de caméra TRÈS utilisé pour filmer des personnages féminins), le fait que Cas demande l’avis de Dean (le regard de Misha est tourné vers Dean), le fait que Sam se tourne vers Dean pour avoir son avis ou même les choix de Jensen Ackles (seriously dude WTF), vraiment une scène similaire à sa place dans une romcom. La perte de Cas pour Dean se ressent sur tout le début de la saison 8, ce qui va aller jusqu’au moment où Dean pense halluciner en voyant Cas. La saison 8 est aussi la saison où Cas a son « arc de thérapie de conversion », ce qui consiste notamment à forcer Cas à tuer des milliers de copies de Dean et uniquement Dean. Ce qui sous-entend que Naomi (la personne chargée du lavage de cerveau) pense que Dean est tellement spécial pour Castiel qu’il s’agit de la seule personne qu’elle ne peut pas forcer Cas à tuer sans un entraînement extrême. Pour rappel, cette scène est dans « Goodbye Stranger », l’épisode qui réintroduit Meg, un personnage qui a une relation avec des aspects romantiques avec Cas et pourtant, c’est uniquement Dean que Cas doit apprendre à tuer. Et malgré cet entrainement au moment où il doit le faire pour de vrai, Castiel essaye de combattre le contrôle de Naomi. Et il finit par briser le contrôle lorsque Dean, à genou, le supplie de reprendre le contrôle parce qu’il a besoin de lui. Le script original de Robbie Thompson contient une déclaration d’amour explicite : « I know you are in there. I know you are. I forgive you. I love you » (traduction « Je sais que tu es encore là. Je le sais. Je te pardonne. Je t’aime »). Et si la version finale change la réplique pour « Cas, I know you are in there, I know you can hear me. Cas, it’s me. We’re family. We need you. I need you » (traduction : « Cas, je sais que tu es toujours là. Je sais que tu peux m’entendre. Cas, c’est moi. Nous sommes une famille. Nous avons besoin de toi. J’ai besoin de toi. »), rendant le tout moins explicitement romantique, l’intention reste présente : la déclaration de Dean, l’affection de Dean est ce qui brise le contrôle. Même sans le « i love you », la scène se lit comme une déclaration d’amour. Et c’est cette déclaration qui brise le contrôle. La série refuse peut-être de le dire à voix haute (lorsque Dean demande à Cas ce qui a cassé la connexion, Cas dit qu’il ne sait pas), le montage ne laisse pas de doute : Dean fait sa déclaration, on coupe à Naomi et Cas au Paradis, avec Naomi qui dit que Castiel doit choisir entre le Paradis ou les Winchester et Cas lâche son arme. Quelques épisodes plus tard, Naomi essayera de manipuler Dean en lui disant que Cas est hors de contrôle et même si Cas l’a abandonné, Dean refuse de l’écouter. Il dit ne pas faire confiance aux anges et lorsque Naomi lui fait remarquer qu’il est un menteur parce que si c’était le cas, il aurait protéger l’endroit où il se trouve contre les anges, elle ajoute « I know. You’re hoping Castiel will return to you », ce qu’on peut traduire par « Je sais. Tu espères que Castiel reviendra à toi », la traduction ne rendant pas explicite à quel point la formulation est extrêmement romantique. Pour dire la même idée, il y avait des façon moins romantique de le dire : « return to you » est déjà une formation ultra romantique, « you hope Castiel will come back » dit la même chose de façon bien moins romantique ; dans ce contexte, « to you » est complètement inutile, Dean est seul avec Naomi, dans le contexte de la discussion, le « to you » est évident et la précision est inutile, à part bien sûr, pour insister sur le fait que Dean ne veut pas juste qu’il revienne vers les Winchester™ mais vers lui en particulier. Et encore une fois, j’insiste sur la sémantique ici parce que mon argument, c’est qu’il n’avait pas besoin de l’écrire de façon si romantique, il y a des milliards de façon de faire la même scène sans sous-texte romantique et ils ont préféré choisir celle là. Donc oui, la saison 8 est très gay en ce qui concerne Dean et Cas. C’est vraiment la saison de non retour : après ça, le retour en arrière était impossible. Maintenant, la relation est centrale, j’irais même jusqu’à dire l’un des points centraux de la saison. La relation est tellement « profonde » (pour reprendre le terme de Cas) qu’elle permet à Cas de briser le contrôle mental et que Dean a une telle confiance en Cas qu’il pense que supplier Cas de reprendre le contrôle est une stratégie viable et il a raison. Vraiment, à ce stade, si vous regardez la saison 8 et me dites que vous ne voyez pas le sous-texte romantique, je pense sincèrement que vous ne le voyez pas par choix. Si Cas ou Dean avait été une femme, ça aurait été évident pour n’importe qui que ces deux personnes ont une relation romantique.

Mais comme je l’ai dit, la saison 8 va peut-être un peu trop loin. Le fait est, si on me demande mon avis (qui n’est que purement spéculatif), à ce stade, je pense sincèrement qu’on est dans un cas de queerbait pur et simple : les créateurs n’avaient pas l’intention de rendre Destiel canon mais avaient très envie d’inclure du contenu parce que le ship est populaire et une partie non négligeable de l’audience regarde la série en grande partie pour le ship. Le queerbaiting est un numéro de funambulisme, il faut à la fois donner assez de contenu pour que l’appât fonctionne (d’où le terme queerbait, littéralement « appât à personnes queers« ) tout en étant assez ambigu pour que le public homophobe puisse prétendre ne rien voir, tandis que le public « neutre » (celui qui s’en fiche de la représentation mais qui n’a rien contre la présence d’un personnage ou un couple queer) peut faire ce qu’il veut, ce public regardera quoi qu’il arrive. Mais le queerbaiting a un problème : même si le but n’est que de sous-entendre quelque chose sans le rendre canon, le sous-entendu est présent et devient une partie du texte. Alors, quand on arrive à un extrême comme la saison 8, on arrive un peu dans une impasse, la saison 8 va beaucoup trop loin. Pour une série allergique au changement de statu quo, la saison 8 change le statu quo d’une façon majeure qui ne peut pas être ignorée. Avant la saison 8, la priorité de Dean était Sam et uniquement Sam : toutes les actions que Dean prend sont liées à son besoin d’être là pour Sam et de protéger Sam. Si Dean avait été coincé au Purgatoire en saison 4, sa priorité aurait été de trouver un moyen de sortir pour rejoindre Sam le plus rapidement possible. La saison 8 change ça : en saison 8, Cas devient une priorité aux yeux de Dean, une priorité au même niveau que Sam. Dean a passé un an au purgatoire à tuer tous les monstres sur son passage pour trouver Cas et une fois qu’il l’a retrouvé, il est assez clair sur un point important : il part avec Cas ou il ne part pas du tout. Cas, qui ne veut pas partir parce qu’il se sent encore coupable, est obligé de piéger Dean et de l’abandonner à la dernière seconde parce qu’autrement, Dean refuse de partir. Dean est prêt à laisser Sam seul sur Terre plus que d’abandonner Cas, ce qui est une évolution majeure pour son personnage. Quand on ajoute à ça tout le sous-texte romantique, on est dans une situation compliquée, parce que non seulement la relation est très importante, elle est également intrinsèquement romantique parce qu’elle est écrite de cette façon (peut-être pas de façon honnête, mais l’intention d’auteur ne change pas le résultat).

La saison 9 essaye de retourner un peu en arrière et d’une certaine façon, elle y arrive un peu mais pas complètement. Là où elle arrive à reculer selon moi, c’est qu’elle arrive à remettre Sam dans la position de priorité n°1 aux yeux de Dean, avec Cas vraiment pas loin derrière. Lorsque Dean doit choisir entre sauver la vie de Sam ou laisser un Cas maintenant humain et vulnérable rester avec eux dans le bunker, Dean demande à Cas de partir. Ceci dit, globalement, la série n’arrive pas à vraiment revenir en arrière parce que la relation entre Dean et Cas reste très forte : oui, Dean choisit la santé de Sam et cette décision le bouffe pendant tout le début de la saison 9. Il est évident que Dean se sent très coupable de ce qu’il a fait à Cas et qu’il voudrait que Cas soit avec eux dans le bunker. La saison 9 commence la longue tradition de la série qui consiste à séparer Dean et Cas le plus possible, comme si les scénaristes avaient conscience que les laisser ensemble trop longtemps ne pouvait mener qu’à une seule conclusion. Comme je l’ai dit plus tôt, Dean est obligé de se séparer de Cas en début de saison et par la suite, Cas a sa propre intrigue lui permettant de se séparer de Dean. Ça n’empêche pas le queerbaiting de continuer ceci dit. On a un épisode comme « Heaven Can’t Wait », qui est très centré sur Dean et Cas. L’épisode met vraiment en avant le fait que Dean est tiraillé entre protéger Sam et son envie d’avoir Cas avec lui. Il ment à Sam pour rester avec Cas et pouvoir passer du temps avec lui. Du côté de Cas, on voit clairement qu’il est blessé par les actions de Dean : Misha Collins a lui-même dit qu’on lui a dit de jouer le « jilted lover », soit « l’amant abandonné ». On a des scènes dans l’épisode comme Dean qui regarde Cas à travers la vitrine de son lieu de travail, une image qui évoque du désir (je voudrais utiliser le mot longing qui techniquement peut être traduit par « désir » mais le sens n’est pas exactement le même) ou encore, la scène où Dean dépose Cas pour son « rendez-vous », qui est remplie de sous-texte (les regards que Dean lance à Cas, lorsque Dean dit à Cas qu’il ne peut « pas le laisser faire ça » et que Cas le regarde avec beaucoup d’espoir, comme si Dean allait lui dire de ne pas aller à son date, peak queerbait). De façon générale, l’épisode est vraiment centrée sur Dean et Cas et en particulier, sur le fait que Dean se sent ultra coupable vis-à-vis de Cas et que mettre la santé de Sam en priorité est un sacrifice pour Dean parce qu’il veut être avec Cas et passer du temps avec lui mais ne peut pas sans mettre Sam en danger. La saison 9 met aussi en avant le lien entre Dean et Cas plus tard dans la saison, lorsque Cas doit choisir entre son armée d’anges qu’il construit depuis plusieurs épisodes ou la vie de Dean et qu’il choisit Dean sans réelle hésitation. Cette saison nous offre également Métatron en méchant, un méchant qui a la caractéristique d’être un auteur et qui a donc une petite tendance aux commentaires métas. Métatron a clairement conscience du sous-texte entre Dean et Cas. Dans « Metafiction », Métatron nous regarde lance un regard caméra en nous demandant ce qui donne un sens à une histoire, les personnages, le texte ou le sous-texte. Dans le même épisode, Gabriel, qui est en réalité une illusion créée par Métatron, appelle Cas le « boy toy » de Dean. Dans « Stairway to Heaven » (épisode 22), après la scène où Cas choisi la vie de Dean et perd son armée, on a une scène où Métatron dit « After a rousing speech, his true weakness is revealed: He’s in love… with humanity » (traduction : « après un grand discours, sa vraie faiblesse est révélée : il est amoureux… de l’humanité »), ce qui rend assez évident qu’ici, « humanité » est un substitut pour « Dean », vu le contexte de l’épisode. Un épisode plus tard, Métatron provoque Cas avec cette petite pépite : « That was your goal, right? I mean, you draped yourself in the flag of heaven, but ultimately, it was about saving one human, right? » (traduction : « c’était ton but n’est-ce pas? Je veux dire, tu prétends faire ce que tu fais au nom du Paradis mais vraiment, le but était de sauver un seul humain »), sachant que dans cette scène, il parle explicitement de Dean. Dans la même scène, il annonce à Cas que Dean est mort et tu peux voir le moment où le visage de Cas se brise à l’annonce de la nouvelle. Donc, en même temps, la série essaye de calmer un peu le jeu, en les séparant. Mais en même temps, la série continue d’en rajouter une couche, notamment du côté de Castiel. Parce que comme je l’ai dit, c’est un numéro d’équilibriste : en donner assez au fan du couple pour garder cette audience (et faites moi confiance, les fans d’un ship regarderons n’importe quoi pour l’amour d’un ship), tout en restant suffisamment « hétéro » pour faire plaisir à un public plus conservateur.

La saison 9 introduit un autre élément qui prend encore plus de place dans la saison 10 : la marque de Cain, que Dean récupère et qui a un effet corrupteur sur lui. Mais le truc le plus marquant avec cette marque de Cain, c’est qu’elle permet d’introduire Caïn (et par ça, je veux vraiment dire Cain, de la Bible, Supernatural est une série), qui est un démon. Et vous voyez, Caïn n’est présent que dans deux épisodes et ils ont décidé, pour une raison ou une autre de lui inventer une femme qui s’appelle Colette, dont le seul but dans la série est de permettre une comparaison entre Caïn/Colette et Dean/Cas, parce qu’encore une fois, Supernatural est une série normale (ILS! N’ONT! MÊME! PAS! CASTÉ! ABEL!). Parce que oui, la série continue son délire de faire des comparaisons entre Dean/Cas et des couples, à la fois avec des parallèles narratifs et des parallèles visuels. Donc ici, on a un parallèle entre Dean et Caïn, ce qui inclut évidemment le parallèle assez évident entre Sam et Abel (même si, et j’insiste sur ce point, cet aspect du parallèle a tellement peu d’importance qu’ILS! N’ONT! MÊME! PAS! CASTÉ! ABEL!), mais on a aussi un parallèle entre Abaddon (un démon et un chevalier de l’enfer) et Crowley. Le parallèle Abaddon/Crowley permet à la saison 10 d’introduire un AUTRE triangle amoureux pour Dean où les deux love interests sont des hommes, cette fois Crowley et Cas (après celui de la saison 8 avec Benny et Cas). Et ils sont encore moins subtiles avec CE triangle amoureux : la saison s’ouvre avec Dean, devenu un démon, qui vit sa meilleure vie avec Crowley. La relation entre les deux contient énormément d’aspects qui sous-entendent une relation romantique ou au minimum sexuelle : les deux partagent une chambre, passent leur temps ensemble et ils ont eu une orgie ensemble (avec des triplets de genre non spécifié). Vraiment, je vous encourage à montrer la scène de séparation à quelqu’un qui ne connaît pas Supernatural et à lui demander ce qu’iel pense qu’il est en train de se passer dans cette scène parce que ça se lit absolument comme une rupture romantique et tout le monde le lirait ainsi si Crowley était un personnage féminin. Mais bref, ce que je cherche à dire, c’est que la saison construit un triangle amoureux entre ces trois personnages de façon absolument pas subtile, sauf que la série ne dit pas que c’est romantique. Mais on a le droit à une scène comme celle où Dean donne la Première Lame à Cas au lieu de Crowley, scène qui est filmée comme une cérémonie des roses dans le programme Le Bachelor. Et bien sûr le parallèle entre le triangle amoureux Abaddon/Caïn/Colette et Crowley/Dean/Cas. Et donc, beaucoup de parallèles qui mettent en avant les similitudes entre Cas/Dean et Colette/Caïn. On a une excellente scène dans « The Executioner’s Song » (épisode 14) où Caïn dit à Dean que ce dernier est en train de vivre sa vie à l’envers, mettant Cas à la même place que Colette dans leur timeline (d’abord Dean va tuer Crowley, comme Caïn a tué les chevaliers l’enfer, puis Cas comme Caïn a tué Colette et enfin Sam comme Caïn a tué Abel, même structure mais dans l’ordre inverse). En saison 9, Caïn dit à Dean et Crowley que Colette savait exactement qui il était et qu’elle l’a aimé malgré tout et lui a juste demandé d’arrêter de tuer, « to stop ». Dans cette saison, c’est exactement ce que fait Cas avec Dean. Il sait exactement qui est Dean (le bon, le mauvais et le tout simplement horrifique) et il l’aime malgré tout : lorsque Claire dit que Dean est un monstre, Cas ne le nie pas mais dira « peut-être qu’on est tous un peu des monstres », parce qu’il sait que Dean, en particulier sous l’influence de la marque, peut être monstrueux et il cherche quand même à le défendre. Plus tard, dans « The Prisoner » (épisode 22), en essayant de convaincre Dean d’accepter de l’aide pour se débarrasser de la marque, il lui dira globalement qu’il sait qu’un jour, sous l’emprise de la marque, il va commettre des atrocités et que Cas sera toujours là, à devoir le regarder détruire le monde, sans qu’il ne mentionne, pas une seule fois, le fait qu’il compte l’en empêcher (ce qu’il faut comprendre ici, c’est que Cas souffre du Dean Winchester Derangement Syndrome, pour citer librement une scène coupé). Et dans cette même scène, Dean va être super violent avec Cas dans un parallèle évident à l’épisode « Goodbye Stranger » : Dean est sous l’emprise de la marque (comme Cas était sous l’emprise du contrôle de Naomi) et Cas ne se défend pas. Mais, pour ajouter un parallèle à Colette, Cas demande à Dean de s’arrêter (« Dean, stop ») lorsque ce dernier veut partir du bunker. Même le fake out, lorsqu’on pense que Dean a poignardé Cas avant que la caméra ne révèle qu’il a poignardé un livre à côté de Cas joue sur un parallèle entre Caïn et Colette, puisque c’est comme ça que Caïn l’a tué. Et même si Dean ne l’a pas vraiment tué, cet acte de violence contre Cas le hante dans l’épisode suivant, comme l’acte de violence de Caïn contre sa femme le hante. Dans les choses un peu moins déprimante, Dean, pendant une grande partie de la saison, a conscience du fait qu’il risque de perdre le contrôle et il se tourne vers Cas pour de l’aide, montrant que Dean fait confiance à Cas plus qu’à n’importe qui : Sam n’est même pas présent dans la scène où Dean fait promettre à Cas de le tuer si jamais Dean perd le contrôle. Et dans le vraiment moins déprimant, la saison 10 nous offre l’épisode « Fan fiction » (épisode 5), le deux-centième épisode qui, pour fêter l’occasion, est un épisode musical mettant en avant un groupe de lycéenne montant une comédie musicale basée sur les livres Supernatural de Chuck. C’est donc un épisode qui offre beaucoup de blagues méta, notamment plusieurs petites blagues sur Dean et Cas : la metteuse en scène/autrice de la pièce dira à Dean que la pièce « explore la nature de Destiel en acte 2 » mais seulement dans le sous-texte mais qu’on ne peut pas écrire sous texte sans “s-e-x-e”. Ceci dit, c’est aussi joué de façon plus premier degré lors de la pièce elle-même : « Cas » a le droit à un numéro musical qui est littéralement une balade romantique et ce n’est pas traité comme une blague. Cet épisode nous offre également un autre parallèle, cette fois entre Dean/Cas et Dean/Cassie, puisque la scène où Sam se moque gentiment de Dean et du nom de son ship avec Cas est similaire à celle où Sam se moquait gentiment de Dean par rapport à sa relation avec Cassie en saison 1 et les réactions de Dean sont assez similaires dans les deux scènes. Les deux scènes se déroulent au niveau de la voiture, les dialogues sont assez identiques, notamment avec Dean qui dit à Sam de « rentrer dans la voiture » comme façon de lui dire de se la fermer.

Et la saison 11 est aussi dingue. La saison 11 se concentre sur le combat contre la sœur de Dieu, Amara. C’est aussi une saison où Cas passe une bonne partie de l’histoire hors de service, puisqu’il est possédé par Lucifer. Donc encore une fois, on a une intrigue qui essaye de séparer Dean et Cas le plus possible. Malgré ça, on a encore une saison où la relation entre Dean et Cas a une place importante et où les éléments romantiques sont nombreux. Déjà, l’arc « Casifer » montre une nouvelle fois une intrigue où Dean doit gérer la perte de Cas, même si cette perte est plus métaphorique, puisque Cas n’est pas réellement mort. On a quand même des éléments de deuil présent et il est évident que Dean vit la situation assez mal. On le voit par exemple dans l’épisode « Red Meat » (épisode 17), dans lequel une femme, Micelle, perd son mari à cause d’un élément surnaturel (ici, il a été transformé en loup-garou et a dû être tué), ce qui est un parallèle avec la perte de Cas à cause de Lucifer (même si, encore une fois, c’est un deuil plutôt métaphorique, parce que Cas n’est pas vraiment mort). De plus, l’arc « Casifer » met également vraiment en avant la différence d’attachement entre Dean et Cas et entre Cas et Sam. On le voit notamment dans l’épisode « Hell’s Angel » (épisode 18), où Dean et Sam se disputent à propos de Cas : Sam veut envoyer Lucifer dans le corps de Cas combattre Amara, alors que Dean veut trouver un autre corps pour Lucifer pour protéger Cas. La discussion montre que pour Sam, le corps que Castiel utilise et Castiel lui-même sont deux entités distinctes alors que Dean les voit comme une seule et même chose. Dans ce contexte, il me semble assez évident que Dean a raison : Cas utilise ce corps depuis la saison 4, il en est le seul occupant (pour ne pas dire qu’il s’agit d’un corps différent de celui de Jimmy, vu qu’il a été détruit et reconstruit par Dieu en fin de saison 5), il a été humain dans ce corps et il en est tellement le propriétaire qu’il doit donner son accord à Lucifer pour que ce dernier puisse le posséder. Cela montre aussi que Dean voit Castiel comme une personne, bien plus que Sam, et qu’il cherche à le protéger, même lorsque cela pose problème pour la mission. C’est même l’un des arguments de Sam, que leur groupe se fait toujours avoir parce qu’il font le « choix du cœur » au lieu de faire le « choix intelligent » (ici, le choix du cœur étant de protéger Cas). Et dans cette saison, on a aussi l’intrigue d’Amara, qui nous permet d’avoir un autre triangle amoureux, même si celui-là est compliqué. Dean et Amara ont une « connexion » mais c’est une connexion forcée parce qu’on sait que Dean n’est pas réellement intéressé par Amara sauf quand il est physiquement proche d’elle et n’a d’un seul coup plus aucun contrôle sur ses actions (d’une façon creepy, pas dans le sens « la passion est trop forte »). Quand on ajoute à l’intrigue d’Amara tout ce qui concerne Cas et Lucifer, on arrive a avoir beaucoup de sous-texte queer : dans « Love Hurts » (épisode 13), le monstre (sous la forme d’Amara) dit à Dean qu’il peut sentir son amour mais qu’il est « entouré de honte ». Alors, en théorie, ça devrait être sur Amara (le monstre est supposé prendre la forme de son désir le plus profond) sauf que dans le même épisode, Dean nous dit explicitement qu’il ne veut pas vraiment d’elle, qu’il est forcé dans cette relation étrange parce qu’elle est la sœur de Dieu et qu’elle l’a choisi. Donc, la question est donc : si Dean n’a pas de réel sentiment pour Amara (sauf lorsqu’elle est littéralement en face de lui et que la connexion cosmique fait que soudainement, il est soumis à la volonté d’Amara), de quel amour est-ce que le monstre parle-t-il? C’est un exemple de la série qui nous dit quelque chose pendant que le sous-texte nous dit quelque chose de complètement différent (comme par exemple avec Cas qui fait tout « pour les Winchester » sauf qu’il fait toujours tout pour Dean dans les faits). Le tout arrive à son climax dans « Hell’s Angel », qui met vraiment en avant la connexion entre Dean et Cas et les sentiments de Dean envers Cas : même s’ils n’ont pas de nom dans l’épisode, le fait est, il tient clairement beaucoup à lui et il est l’une des personnes les plus importantes dans sa vie. Outre la dispute entre Dean et Sam que j’ai mentionné plus tôt, on a aussi une scène où Dean essaye d’appeler Cas à prendre le contrôle et Lucifer qui se moque de lui et on voit la réaction de Dean, c’est comme si Lucifer venait de lui mettre une claque. Mais surtout, on a Amara qui arrive à la fin de l’épisode et qui confronte Casifer. Alors qu’Amara et Cas sont tous les deux potentiellement en danger, Dean crie le nom de Cas, montrant ainsi que la connexion entre Cas et Dean est beaucoup plus forte que celle que la « connexion cosmique » entre Dean et Amara. Après cet épisode, Amara arrête presque complètement d’essayer de convaincre Dean de la rejoindre, d’accepter leur connexion et se contente d’utiliser Castiel pour menacer Dean, parce qu’elle-même comprend que Dean tient à Cas bien plus qu’il tient à elle. Et lorsqu’on voit sa réaction lorsque Dean crie le nom de Cas dans « Hell’s Angel », on voit bien que ce n’est pas normal, que la connexion entre elle et Dean est supposée être plus forte et que Dean ne devrait pas pouvoir réagir ainsi. Elle est clairement surprise par la puissance de la connexion entre Dean et Cas.

Donc, la période Carver est… compliquée. Je dirais vraiment qu’il s’agit de la période où la série queerbait le plus. A ce stade, la production savait qu’une partie du public regardait la série pour Destiel et continuait à mettre du contenu dans la série pour convaincre ce public de rester, sans être trop explicite pour ne pas déplaire à une autre partie du public. Ceci dit, ils se sont bien plantés car comme je l’ai dit, ils sont allés trop loin, au point où la relation entre Dean et Cas est devenue trop centrale pour les deux personnages pour être ignorée. Et je pense aussi qu’à ce stade, il y avait des gens dans l’équipe des scénaristes qui ont volontairement mis du sous-texte romantique parce qu’ils voulaient légitimement inclure de la romance. Si la période Carver est celle où le queerbaiting est le plus intense, c’est aussi la période où on commence à voir du queer-coding, notamment de la part d’auteurs comme Robbie Thompson (qui a écrit des épisodes comme « Goodbye Stranger », « Fan Fiction », « Into the Mystic » or « First Born », aka l’épisode qui introduit Caïn et met en place les parallèles entre Caïn/Colette et Dean/Cas) ou Robert Berens (qui a écrit « Heaven Can’t Wait », « The Executioner’s Song » aka l’autre épisode de Caïn qui fait un parallèle très explicite entre Caïn/Colette et Dean/Cas ou encore « Red Meat »). Donc en gros, ce qui se passe ici, c’est qu’on a deux/trois personnes qui veulent honnêtement aller dans cette direction mais les gens qui prennent les décisions ne sont pas d’accord. Ils sont par contre d’accord pour inclure du sous-texte queer pour garder un public, raison pour laquelle durant cette période, Destiel est principalement du queerbait selon moi : ils sont, aux yeux du studio, un outils de marketing pour conserver une audience fidèle, pas un élément scénaristique inclut dans la série en bonne foi (et vous pouvez être sûr que si Destiel n’était pas aussi populaire, les producteurs n’auraient jamais permit à tous ce sous-texte d’exister).

d. Andrew Dabb : showrunner de la saison 12 à 15

Andrew Dabb est le dernier showrunner de la série et il a donc été en charge de la saison 12 à la saison 15. Ce qui veut dire qu’on a encore eu un changement dans la série en général et dans le cas qui nous intéresse, dans le traitement de la relation entre Dean et Cas. Évidemment, je ne peux pas prouver quoi que ce soit en ce qui concerne les opinions d’Andrew Dabb (sauf s’il y a une interview quelque part) mais je pense sincèrement qu’il ship Destiel ou qu’il apprécie la relation et souhaite la développer (après tout, il a co-écrit « Red Meat » et il a écrit « Road Trip », « Stairway to Heaven » ou « The Prisoner », des épisodes qui ont tous des éléments développant la relation entre Dean et Cas), ou alors qu’il était ouvert à la possibilité de rendre la relation explicitement romantique (il a des rumeurs qui disent que le studio aurait fait des études de marché pour la saison 12, notamment pour connaître l’avis du public sur la relation entre Dean et Cas mais ça n’a jamais été confirmé, donc à prendre avec des pincettes). La période Dabb est également une période avec de nouvelles personnes dans l’équipe des scénaristes et en regardant les épisodes que ces personnes ont écrit, il y avait également un certain nombre de personnes qui étaient en faveur d’une relation romantique entre Dean et Cas, comme par exemple Steve Yockey ou Meredith Glynn. Et si la saison 11 est la dernière de Robbie Thompson, Robert Berens est toujours présent. Je pense donc qu’à partir de la saison 12, on passe progressivement de queerbaiting à queer-coding. À ce stade, je pense qu’il y a assez de monde derrière la caméra qui ont légitimement et sincèrement envie de rendre cette relation explicite et travaille dans ce sens. Ce n’est pas une excuse pour tout parce que si le queer-coding peut-être fait en tout sincérité, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Je pense que même si certains membres de l’équipe étaient ouverts à l’idée (et peut-être même essayer activement de défendre l’idée face au studio), Dabb lui-même ne s’est pas tellement battu pour. Je pense que si Dabb était vraiment investi pour rendre la relation canon, il aurait fait plus d’effort, notamment en saison 15 (puisque c’était la dernière saison et donc, il n’y avait aucun risque pour l’audience à ce stade). Le résultat selon moi, c’est que la relation entre Dean et Cas devient très centrale et n’a jamais été aussi domestique et romantique mais la série continue de refuser de mettre le mot « romance » dessus.

Dès la saison 12, on se rend compte que la série va encore plus loin dans le sous-texte romantique avec ces deux là. Dès le premier épisode, on a le droit à une interaction entre Dean, Cas et Mary (la maman de Sam et Dean qui vient d’être ressuscitée) qui donne vraiment l’impression de voir la scène où un personnage présente son petit-ami à ses parents, avec le câlin entre Dean et Cas, des choix de jeu très intéressant de la part de Samantha Smith et aussi, le fait que Dean se montre très protecteur envers Cas lorsque sa mère le menace avec un flingue (alors que vous savez, Cas est un ange et les armes à feu ne représente aucun danger pour lui), la scène est en vrai super mignonne (vous pouvez la voir ici pour admirer comment Dean est trop fier de présenter Cas à sa mère, c’est adorable). La saison continue la tradition de séparer Dean et Cas le plus possible sans grande surprise parce que dès qu’ils sont ensemble, soit ils agissent comme un vieux couple qui se chamaillent pour rien soit il y a de la tension romantique. On peut peut s’en rendre compte dans des épisodes comme « Lily Sunder Has Some Regrets » (épisode 10), où Dean et Cas se disputent comme un vieux couple pendant une bonne partie de l’épisode (une petite prière pour Sam, le pauvre se retrouve au milieu de leurs histoire), avec des moments incroyables, comme la scène dans la voiture où Cas parle de son ami Benjamin (qui a disparu, c’est ce qui lance l’intrigue) et Dean fait un commentaire passif-agressif à destination de Cas (« Wow, this Benjamin seems like he’s pretty cool, you know. Like he wouldn’t make any half-cocked, knee-jerk choices. » ; traduction « wow, ce Benjamin m’a l’air d’être cool tu vois. Le genre de personne qui ne prendrait pas des décisions sans réfléchir sur le moment. »), ce à quoi Cas répond « yeah, you know what I like about him? Is that he’s sarcastic, but he’s thoughtful and appreciative, too. » (« oui, tu sais ce que j’apprécie chez lui? Il est sarcastique mais il est aussi attentionné et appréciatif. »). Leur conflit se déroule dans un épisode où l’intrigue principale tourne autour d’un ange amoureux d’une humaine, pour vous inviter au parallèle. Non pas que l’épisode soit ultra subtile, puisque le méchant (qui était donc amoureux de la Lily Sunder du titre) dit à Cas qu’il va le « guérir de sa faiblesse humaine de la même façon qu’il a guéri la sienne » avant de prendre sa lame d’ange pour essayer de tuer Dean. Pas besoin de faire le rapprochement nous-même, l’épisode compare directement les sentiments de Cas envers Dean à ceux d’Isham envers Lily. Et de la même façon que l’épisode nous dit que Dean est la « faiblesse » de Cas, l’inverse est aussi montré dans cette épisode : lorsque Dean a l’opportunité de blessé Isham mais qu’en le faisant, il prend également le risque de tuer Cas, il choisit de laisser Isham lui échapper plutôt que de risquer de perdre Cas. L’épisode montre bien que si Dean et Cas peuvent avoir leur différent (ici, Dean est en colère contre Cas car ce dernier, en lui sauvant la vie, leur a probablement créer un problème et il est inquiet et Cas est agacé par la réaction de Dean), ils sont également loyaux l’un envers l’autre et se protège mutuellement. Dans l’épisode « Stuck in the Middle (With You) » (épisode 12), un Cas mourant dira aux Winchester « I love you, I love all of you » (« je t’aime, je vous aimes tous »), avec à côté le montage qui montre une différence très claire entre les deux parties de cette phrase : le premier « I love you » est dirigé vers Dean et uniquement Dean (la caméra ne coupe que vers lui), alors que le second est dirigé au groupe (la caméra coupe vers Dean puis vers Sam). Dans « The Future » (épisode 20), on a une scène où on apprend qu’à un moment, hors champ, Dean a offert une mixtape de Led Zeppelin à Cas, ce qui est probablement l’un des détails les plus romantiques de toute la série. Les mixtapes au cinéma sont presque exclusivement des cadeaux romantiques parce que c’est un cadeau très personnel (la personne qui la réalise prend du temps à la faire et les chansons choisies ont souvent un sens). Je n’ai personnellement jamais vu un seul film ou série où une personne offre une mixtape de façon platonique, c’est toujours une indication de romance. Surtout quand le groupe choisi est Led Zeppelin, le groupe préféré de Dean et qui est aussi le groupe qui a permit à John et Mary de tomber amoureux, donc même dans la diégèse de la série, il y a une connotation romantique au choix du groupe (surtout quand cette information nous a été révélé en saison 12, donc c’est récent, donc les scénaristes l’avaient probablement encore un tête). Ce qui d’ailleurs nous donne un autre parallèle avec un couple de la série. Et Dans « All Along the Watchtower » (épisode 23), on a le droit à un parallèle avec Sam/Jess : dans le premier épisode de la série, lorsque Sam rentre dans son appartement et trouve Jessica au plafond et que l’incendie démarre, Dean traîne Sam hors de l’appartement ; ici, Sam traîne Dean hors de monde de l’Apocalypse alors que Cas est sur le point de se battre avec Lucifer. Et ensuite, Cas se fait poignardé et Dean tombe à genoux devant le corps de Cas, en une image tellement remplie de désespoir et de douleur (Sam était présent lorsque Cas et mort et même s’il est triste, il n’a aucun mal à continuer à avancer, il n’est pas émotionnellement détruit par la mort de Cas, alors que pour Dean, l’impact est tellement intense qu’il ne peut même pas continuer pendant un moment, il ne peut même pas se tenir debout.). Le gif que j’ai utilisé au-dessus représente d’ailleurs cette scène, si vous voulez voir l’impact sur Dean, on voit dans les mouvements du corps de Jensen Ackles le coup émotionnel de cette scène.

Autant dire que la saison 13 ne commence pas de façon la plus joyeuse, puisqu’elle débute, entre autres choses, par ce que certains fans appellent le « widower’s arc » ou « l’arc du veuf » : Dean vient de perdre Cas et lui et Sam doivent s’occuper de Jack, le fils de Lucifer dans le corps d’un adolescent/jeune adulte (l’âge physique de Jack n’est jamais très clair) que Cas avait décidé d’adopter en fin de saison 12, avant sa mort. Les 5 premiers épisodes nous montrent un Dean complètement dévoré par le deuil et le tout a un sous-texte romantique, même si tragique. Déjà, la série nous fait un autre parallèle avec une romance de la série, puisque ce début de saison insiste bien sur les parallèles entre Dean et son père John : comme son père avant lui, la perte d’un être cher (Mary pour John, Cas pour Dean) le transforme presque en monstre, il est en colère, se montre très cruel envers Jack… La série fait explicitement ce parallèle dans « The Big Empty » (épisode 4), où Sam dit à Dean qu’il agit exactement comme leur père. Ce que je trouve drôle avec ce parallèle, c’est que la série le reconnait à voix haute sans reconnaitre la source du parallèle, c’est-à-dire que John est devenu cette personne cruelle à cause de la mort de sa femme, tout comme la mort de Castiel est la raison de ce changement de personnalité chez Dean. La série nous a montré assez régulièrement que Dean est un personnage avec un instinct parental assez fort (le gamin dans « Dead in the Water » en saison 1, Ben, Emma, le gamin de « Bad Boys » en saison 9, Claire…) mais la perte de Cas l’empêche de connecter avec Jack de cette façon (d’une façon que je trouve out of character mais on est pas là pour ça). Le second aspect, c’est que ce début de saison nous montre Dean sombrer dans une dépression qu’on avait pas vu aussi violente depuis la saison 7, où il était déjà déprimé après avoir perdu Cas. Dans « Lost and Found » (épisode 1), il n’arrive même pas à dire à voix haute que Cas est mort. Il prie à Chuck, quelque chose qu’il n’a jamais fait avant (ou extrêmement rarement) pour que ce dernier ramène à la vie toutes les personnes qu’il a perdues dans « Along the Watchtower », donc Mary, Crowley et Cas. Ceci dit, même dans la prière elle-même, Cas prend la place la plus importante : « We’ve lost everything. And now you’re gonna bring him back. Okay? You’re gonna bring back Cas, you’re gonna bring back Mom, you’re gonna bring ‘em all back. All of ‘em. Even Crowley » (« Nous avons tous perdu. Et maintenant, tu vas le ramener à la vie. D’accord? Tu vas ramener Cas, tu vas ramener maman, tu vas tous les ramener. Tous. Même Crowley »). Vous remarquez comment Dean dit avoir tout perdu et immédiatement demande à ramener Cas en premier avant même de mentionner sa mère. Dean est aussi celui qui prépare le corps de Cas pour sa crémation dans une scène qui est non seulement ultra tragique mais qui fait un parallèle visuel à la scène où Sam regarde le corps sans vie d’Eileen en saison 12. Le peine de la perte de Cas est tellement violente que dans « Advanced Thanatology » (épisode 5), après avoir essayer ses méthodes habituelles pour gérer les émotions négatives (en gros, boire beaucoup d’alcool et du sexe), Dean est toujours tellement dépressif qu’il se suicide. Certes, l’épisode utilise l’excuse de l’enquête, Dean se suicidant afin de contacter les fantômes et il a un plan pour être ressuscité mais sa discussion avec Billie (aka la Mort) est assez explicite : Dean se fiche complètement de mourir à ce moment là, il a complètement perdu toute volonté de vivre. Un épisode plus tôt, dans « The Big Empty », il disait à Sam que ce dernier devait absolument conserver sa foi parce que lui-même a perdu sa foi. Après cette discussion, l’épisode coupe à la scène où Cas se réveille sur Terre, comme pour nous indiquer que pour Dean, la foi et Castiel sont tous éléments intrinsèquement liés. Et effectivement, lorsqu’ils sont réunis à la fin d' »Advanced Thanatology »/au début de « Tombstone » (épisode 6), on peut voir une croix en néon dernière Dean, comme un élément de décors indiquant que Dean a retrouvé la foi. Réunion où la caméra oublie la présence de Sam pendant un petit moment pour se concentrer sur la réaction de Dean et Cas. « Tombstone », le premier épisode après le retour de Cas, est un épisode où le comportement de Dean fait un changement à 180° : encore une fois, un épisode plus tôt, il s’est suicidé et se fichait complètement de rester mort et maintenant, il est souriant, de bonne humeur, il s’amuse avec un enquête stupide en lien avec les cowboys (il force même Cas à porter un chapeau de cowboy) et d’un seul coup, il est gentil avec Jack et même plus, il se montre compréhensif après que Jack ait tué quelqu’un. Quelques épisodes plus tôt, il était persuadé que Jack était le mal incarné et certes, il avait lentement commencé à changé d’avis, mais le changement reste assez brusque : quelques épisodes plus tôt, si Jack avait tué quelqu’un, même par accident, Dean aurait vu ça comme une preuve que Jack est trop dangereux mais soudainement, il est prêt à défendre Jack, je me demande ce qui a changé entre temps? (Cas, Cas est en vie). Le reste de la saison n’a pas de gros moment entre eux, c’est plus dans les petits détails, dans le comportement, ce genre de chose. Ceci dit, on a quand même le droit à un autre parallèle entre Dean et Cas et une relation romantique, ici Claire et Kaia dans « Wayward Sisters » (épisode 13). La scène où Kaia dit à Claire qu’elle va l’accompagner Claire dans « The Bad Place » fait écho à plusieurs moments entre Dean et Cas, comme lorsque Cas dit à Dean qu’il va l’accompagner pour tuer Dick Roman en saison 7. Et la scène de la « mort » de Kaia (elle n’est pas vraiment morte mais on ne le sait pas encore) est pratiquement la même que celle de la mort de Cas en saison 12 : Claire doit se faire traîner hors d’un monde parallèle, tout comme Dean s’est fait traîner par Sam hors du monde de l’Apocalypse. Et Claire et Kaia sont romantiques : « Wayward Sisters » joue sur le sous-texte mais les saisons 14 et 15 confirment que Claire était amoureuse de Kaia et que Kaia a également des sentiments pour Claire.

Quant à la saison 14, je ne sais pas par où commencer parce que j’ai des choses à dire qui font donner l’impression que je vais chercher loin alors que honnêtement, je suis persuadée que non. Il y a toujours des petites choses, comme les blagues sur le fait que tout le monde est au courant. Dans le premier épisode, Castiel est à la recherche de Dean (qui est possédé par Michael) et rencontre un démon qui lui dit « how is that you lost Dean? I thought the two of you were joined at the… you know, everything » (« comment as-tu pu perdre Dean? Je croyais que vous étiez attaché à… tu sais, tout ») en regardant l’entrejambe de Cas dans un des moments les moins subtiles de l’histoire de la télévision. Ou le fait que la détermination de Cas pour sauver Dean de Michael est un parallèle à la détermination de Dean pour sauver Cas de Lucifer quelques saisons plus tôt, montrant encore une fois que ces deux là tiennent beaucoup l’un à l’autre. Et puis, il y a les choses qui me maintiennent éveillées la nuit comme l’épisode « Nihilism » (épisode 10). Le truc avec « Nihilism », c’est que Dean est coincé dans son propre cerveau, dans lequel il tient un bar avec Pamela Barnes (qui est morte mais il ne s’en souvient pas) et il vit la même journée en boucle. Pour commencer, le choix de Pamela me fascine. Vous voyez, on peut débattre toute la journée de qui a été le love interest féminin le plus important pour Dean : la plupart des gens diront probablement Lisa (parce que la saison 6), certains diront Jo (personnellement, je trouve qu’ils ont une vibe qui correspond plus à une relation frère-sœur que romantique mais je ne peux pas nier que les scénaristes ont inclut des aspects romantiques à leur relation, je veux dire, ils se sont embrassés avant la mort de Jo), personnellement je dirait Cassie (il semblait réellement l’apprécier en tant que personne et non en tant que symbole de maternité et de stabilité familiale comme c’est le cas avec Lisa…) mais une chose est sûre, personne ne dira Pamela. Oui, il y avait un peu de flirting entre eux et ils se sont embrassé dans « Dark Side of the Moon » (saison 5, épisode 16), mais de façon générale, c’était tout de même très superficiel : Pamela est un personnage qui embrasse sa sexualité, elle est sexy et Dean n’est pas aveugle, mais rien de plus. Pamela a également été introduite dans « Lazarus Rising » (saison 4, épisode 1), elle est la médium que Dean va voir pour essayer de découvrir qui l’a sorti de l’Enfer. Elle est donc l’une des premières personnes de la série à interagir avec Castiel, étant même la première personne à découvrir son nom. Elle est donc un choix intéressant car pour Dean, elle est un personnage qui a une connexion avec Cas, surtout quand les personnes en charge du costume décide d’en rajouter une couche en lui donnant un collier avec des ailes (vous savez, comme les anges) et un t-shirt qui dit « to hell and back » (vous savez, parce que Cas a sauvé Dean de l’Enfer). Et ensuite, Pamela, qui est surtout une projection du subconscient de Dean, répond aux avances de Dean par « how come you want what you can’t have? » (« pourquoi est-ce que tu veux uniquement ce que tu ne peux pas avoir? ») et « Besides, you don’t want me. You just like to flirt. » (« de toute façon, tu n’es pas vraiment intéressé par moi. Tu aimes juste flirter »). Alors que vous savez, on est dans la tête de Dean, il pourrait avoir ce qu’il veut mais non, son subconscient prend la forme de quelqu’un qui ne l’intéresse pas vraiment mais qui évoque une autre personne dans le design du costume. Alors je sais, ça donne l’impression que je lis beaucoup trop dans cette série et pour être honnête, ce n’est pas totalement faux, mon cerveau est devenu une machine à voir plus de sens dans Supernatural que ce que les auteurs avaient l’intention de mettre mais aussi : même dans son propre cerveau, Dean ne s’autorise pas à avoir ce qu’il veut réellement (« how come ou want what you can’t have » et « besides, you don’t want me. You just like to flirt »), son subconscient est donc représenté par Pamela (une personne qui n’est pas Castiel mais qui est connecté à Cas, par sa place dans l’histoire et par le costume) pour lui dire, en face, qu’il n’est pas honnête avec lui-même. Ce que ça sous-entend ici, c’est que Dean veut quelque chose qu’il ne peut pas avoir et qu’au lieu de se l’admettre, il préfère se mentir à lui-même mais son cerveau le sait : il présente une image rassurante (celle de Pamela, celle de l’hétérosexualité) mais son subconscient lui dit texto que ce n’est pas ce qu’il veut (ce qu’il veut, c’est autre chose, genre par exemple, l’ange qui est évoqué par le costume de Pamela). Et je sais, c’est du sous-texte et ça donne vraiment l’impression que je lis beaucoup trop mais aussi, l’épisode a été écrit par Steve Yockey donc je suis persuadée que mon interprétation est volontaire de la part du scénariste. Steve Yockey a aussi écrit « Lily Sunder Has Some Regrets » et « Advanced Thanatology », deux épisodes qui ne sont pas subtiles sur leur sous-texte romantique en ce qui concerne la relation entre Dean et Cas. Il a aussi écrit « Optimism » (épisode 6), un épisode où Jack et Dean travaillent ensemble sur une enquête et à la fin de l’épisode, les deux parlent d’amour (c’est en lien avec l’enquête) et Dean dit à Jack quelque chose du style « l’amour est fou » et genre, de quoi est-ce que tu parle Dean? Qui tu fais penser que l’amour rend fou? Parce que ce n’était certainement pas Cassie ou Lisa, qui sont des personnes normales avec qui tu as eu des relations normales ou Amara, dont tu n’étais pas amoureux. Qui dans ta vie te fait penser ça Dean, explique moi (je suis 100% convaincue que Steve Yockey avait Dean/Cas en tête parce que, dans la vie de Dean, c’est la seule relation qui est assez intense, entres toutes les trahisons et les actions dingues qu’ils font l’un pour l’autre, qui va avec cette réplique, ça n’a aucune sens sinon). Mais comme Supernatural est avant tout une série qui prospère dans la misère, la relation revient plus sur le devant de la scène vers la fin de la saison, qui met en place les éléments nécessaires pour leur arc en saison 15, avec la mort de Mary, Jack qui perd son âme et aussi, le fait que Dieu soit un connard qui manipule leur vie depuis le début. Oh et Cas a fait un pacte avec l’entité de l’Empty qui dit que cette dernière pourra le tuer lorsqu’il s’autorisera à être heureux et je suis sûre que ça ne va pas revenir de façon importante plus tard dans la série.

La saison 15 commence avec la nouvelle Apocalypse que God vient de lancer parce que Dieu est l’auteur de Supernatural et l’auteur est Méchant™ et contrôle l’histoire et la vie de nos héros et beaucoup d’aspects méta avec un potentiel de dingue qui vont être mal développés (je vais jamais m’en remettre de celle là, c’est pas le sujet de l’article mais littéralement la meilleure idée de toute la série et pour faire quoi au final, pour faire quoi? Pour en parler un peu dans quelques épisodes et ensuite traiter Chuck comme un méchant lambda, pour ne jamais explorer les implications sur les personnages, pour qu’à la fin, après avoir échappé au contrôle de Dieu, ils continuent leur vie comme avant, QUEL ÉTAIT L’INTÉRÊT DE L’INTRIGUE QUI CONSISTE À COMBATTRE DIEU, L’AUTEUR, LE STATU QUO POUR QU’UNE FOIS BATTU, NOS HÉROS CONTINUENT LEURS VIES COMME AVANT, QUEL ÉTAIT L’INTÉRÊT et je vais arrêter là, ce n’est pas le sujet). La saison 15 commence également avec ce que les fans appelle « l’arc du divorce », où Dean et Cas se séparent à cause des évènements de la saison 14, notamment parce que Dean est très en colère après la mort de Mary et du rôle de Jack (en tant que tueur) et Cas (qui a caché ses inquiétudes sur Jack) dans cette histoire. Mais avant la séparation dans l’épisode 3 (qui s’appelle littéralement « The Rupture », je sais que le titre fait référence à la faille que les personnages doivent fermer, mais c’est aussi en rapport avec Dean et Cas, les titres peuvent avoir plus d’un sens), on a le droit dans l’épisode 2 à une réplique extraordinaire où Dean dit à Cas que rien dans leurs vies est réel, que tout est une manipulation de Chuck et Cas répond « You asked what about this is real. We are. » Et non seulement c’est une réplique ultra romantique en elle-même, non seulement la saison plus tard lui donne raison (Chuck dira à Cas ceci : « You know what every other version of you did after « gripping him tight and raising him from perdition? » They did what they were told. But not you. Not the « one off the line with a crack in his chassis. » », ce qui veut dire « tu sais ce que toutes les autres versions de toi ont fait après « l’avoir attrapé et sauvé de la perdition? » Ils ont fait ce qu’on leur a dit de faire. Mais pas toi. Pas « celui avec un défaut de fabrication » », montrant ainsi que la présence de Castiel dans la série est un acte de libre arbitre de la part de Cas et que leur relation était bel et bien réelle), mais en plus, cette réplique est utilisée entre Sam et Eileen plus tard dans la saison. Dans « The Trap » (épisode 9), Eileen dit à Sam qu’elle ne sait plus ce qui est réel à cause de Chuck, Sam l’embrasse et dit « I know that was real » (« je sais que c’était réel »), histoire de rajouter un autre parallèle entre une romance officielle et Dean/Cas. Bref, pour en revenir à l’intrigue, les deux sont séparés jusqu’à la fin de l’épisode « Last Call » (épisode 7), où Dean rentre au bunker et y trouve Cas, qui a essayé de le contacter pendant tout l’épisode. Après ça, ils doivent travailler ensemble mais on sent encore la tension. Rowena la ressent aussi puisqu’elle leur donne une petite session de thérapie de couple dans « Our Father, Who Aren’t in Heaven » (épisode 8) et je n’exagère même pas, c’est joué comme une thérapie de couple et la scène fait exprès de faire partir Sam de la pièce, pour bien insister sur la comparaison. Et ensuite, on a « The Trap » (écrit par Robert Berens), où Dean et Cas doivent aller au Purgatoire (une place qui a une place importante pour leur relation, flashback vers la saison 8), où ils commencent enfin à communiquer et encore une fois, ça se lit comme une romance. On a une scène où Dean critique Cas pour être partie et Cas qui dit que Dean ne lui a pas laissé le choix parce « qu’il ne pouvait pas lui pardonner et qu’il était trop en colère » et « qu’il est parti mais que Dean ne l’a pas arrêté ». Encore une fois, montrez la scène à une personne qui n’est pas familière avec Supernatural et demandez ce qui s’est passé parce qu’hors contexte, on a l’impression qu’ils sont des ex (et j’ai envie de dire, dans le contexte, c’est aussi un peu le cas mdr). Et plus tard dans l’épisode, Dean et Cas sont séparés et Dean, ayant peur d’avoir perdu Cas pour de bon, prie et ça nous donne un très belle scène où il s’ouvre enfin et se montre vulnérable et est tellement submergé par ses Émotions™ qu’il en tombe à genoux et encore une fois, c’est une scène qui aurait sa place dans un contexte romantique (ce qui, encore une fois, est un peu le cas ici). Et quand ils sont réunis, ils se font un câlins (qui me fait de la peine parce que c’est le dernier avant la mort de Cas, mais ne nous emballons pas) et lorsque Dean essaye de parler à Cas, ce dernier l’interrompt en lui disant qu’il n’a pas besoin de parler parce qu’il a entendu sa prière et Dean a l’air déçu de ne pas pouvoir dire ce qu’il avait à dire. L’épisode reste ambigu sur ce que Dean allait dire, s’il allait juste répéter ce qu’il a dit dans sa prière mais en personne ou s’il voulait dire quelque chose d’autre. Et dans ce même épisode, Chuck montre une vision du futur à Sam où Dean a été obligé d’enfermer Cas dans une boite magique parce qu’il est devenu fou (donc, un futur où il a encore perdu Cas) et non seulement, Dean est clairement déprimé à cause de ça, il compare cette perte à la perte que Sam a subit en perdant Eileen, parce qu’on aime les parallèles avec des romances. L’arc du divorce est complètement résolu après le retour de Jack dans l’épisode 12, où Dean et Cas trinquent et sont de nouveau en très bon terme. Ce que je cherche à dire ici, c’est que la saison 15 dure 20 épisodes et que cet arc, qui met leur relation au centre de l’intrigue, en dure 12, soit plus de la moitié de la saison, ce qui est vraiment long. On peut dire que l’arc où Dean et Cas se séparent pour retrouver leur chemin l’un vers l’autre est l’une des intrigues principales du début de la saison 15 : c’est au minimum l’arc émotionnel le plus important, pour ne pas dire tout simplement l’arc principal. « Tuer Dieu » est un enjeu important, mais pas tant que ça au début de la saison 15 (pendant un moment, Dean, Sam et Cas pensent en avoir fini avec Chuck, donc ce n’est pas une priorité pour eux). Après le retour de Jack, la relation est un peu mise en arrière pour se centrer sur le plan de Jack et Billie pour tuer Dieu. Du moins, c’est le cas jusqu’à « Despair ».

« Despair », l’épisode 18, écrit par Robert Berens, c’est l’épisode qui a cassé internet. C’est l’épisode avec la Confession™. Donc, vous pouvez imaginer, il y a beaucoup de choses à dire, on parle de l’épisode qui a fait passé le sous-texte au niveau du texte. Alors évidemment, on a la confession, qui est romantique. Je sais que certaines personnes sont dans le déni sur ce sujet (l’homophobie peut-être une sacrée drogue) mais on va se mettre d’accord sur ce sujet, c’est romantique parce que ça n’a littéralement aucun sens si c’est platonique. Si vous vous souvenez bien, Castiel avait passé un accord avec l’entité du Empty et maintenant que lui et Dean sont en danger, Cas décide d’utiliser ce deal pour sauver Dean de Billie (qui veut le tuer). Pour cela, il doit vivre un « moment de vrai bonheur », ce qui, selon Cas était difficile parce que, et je cite « the one thing I want is something I know I can’t have » (traduction : « la seule chose que je veux c’est quelque chose que je ne peux pas avoir »), une phrase qui n’a aucun sens si on la prend dans un sens platonique parce que, et je ne peux qu’insister sur ce sujet, si ce que Cas veut, c’est une relation platonique ou familiale avec Dean, il a déjà ça. Donc, si vous êtes dans le déni, utilisez votre cerveau, surtout que la phrase en elle-même sort tout droit d’une romance interdite. Mais bref, Cas fait un long discours à Dean qui le supplie d’arrêter de parler, Cas dit « I love you », met sa main sur l’épaule de Dean et le pousse, laissant au passage une trace sur son manteau au même endroit que la marque que Dean avait en revenant à la vie en saison 4 (parce que la douleur c’est marrant, la douleur est mon amie). Du côté de Cas, j’ai vraiment rien à dire ne fait, c’est absolument pas ambigu, il est amoureux de Dean et être amoureux de Dean et pouvoir le dire à voix haute est tellement béatifique que c’est suffisant pour remplir le contrat avec l’entité du Empty, quelque soit les sentiments de Dean. Mais quels sont les sentiments de Dean? C’est la question à 1 million d’euros, vu que la série décide de rester vague sur la question. Ceci dit, en se basant uniquement sur cet épisode, le sous-texte dit que c’est réciproque. Déjà, la réaction de Dean montre quand même qu’il tient à Cas, ce qui est évident bien sûr, ils sont besties après tout. Lorsqu’il dit « don’t do this » (traduction : « ne fait pas ça »), on peut l’interpréter de deux façons : soit, il ne ressent pas la même chose et du coup, il ne veut pas que Cas lui dise (en mode « tu vas détruire notre amitié » si vous voulez), soit il a comprit ce que Cas était en train de faire et il lui demande d’arrêter parce qu’il ne veut pas le voir mourir. Dans le contexte de la scène, il me semble assez évident que la deuxième option est la plus probable : même si Dean n’était pas amoureux de Cas (il l’est mais imaginons), ça reste son meilleur ami, il ne veut pas le voir mourir. Surtout qu’on sait qu’il ne vit pas très bien la mort de Cas lorsque ça arrive. Sa réaction après la mort de Cas est extrêmement émotionnelle et on voit bien que ça l’affecte fortement, au point où il ignore les appels téléphoniques de Sam. Pour rappel, à ce stade, le gang est en train de combattre Dieu, Dean vient d’apprendre que Chuck est responsable des morts qui ont eu lieu lors de l’épisode et donc, Dean sait qu’ils sont tous en danger. Et pourtant, malgré ça, il est paralysé au sol, incapable de répondre au téléphone. Mais surtout, ce qui pour moi, est l’argument le plus évident pour dire que Dean est également amoureux de Cas (en dehors de, vous savez, toute la série), c’est la structure de l’épisode et particulièrement, un parallèle qui est utilisé dans l’épisode. L’épisode s’ouvre sur AU!Charlie et sa petite amie Stevie, juste avant que cette dernière ne meure. Plus tard dans l’épisode, Sam perd sa petite amie Eileen. Et enfin, Dean perd Cas. On a donc, dans le même épisode, trois situations similaires. Il existe une règle d’écriture qui s’appelle la « règle des trois », qui dit, en gros, que trois est un nombre satisfaisant pour le public : c’est un nombre assez important pour créer un rythme dans une histoire, pour marquer l’attention du spectateur sans qu’on ait l’impression que l’auteur en fasse trop ou que l’histoire devienne trop répétitive. Les meilleures choses viennent par trois, c’est pour ça que Dora l’exploratrice doit franchir trois obstacles pour arriver à destination, que Indy doit passer trois tests pour trouver le Graal dans The Last Crusade, que les rebelles doivent s’y prendre à trois fois pour réussir à détruire l’Étoile Noire dans Star Wars, que Sheldon Cooper frappe trois fois à la porte dans The Big Bang Theory (1 fois c’est pas drôle, 2, fois ça semble incomplet, 4 fois c’est trop) et c’est pour ça qu’il y a trois ours (et trois chaises, trois bols de soupe et trois lits) dans le conte de Boucles d’or (oui, ce conte c’est littéralement règle de trois sur règle de trois sur règle de trois). Et même si on ne s’en rend pas toujours compte, on est assez sensible à cette règle : lorsqu’un événement se produit deux fois dans un film ou un épisode, inconsciemment ou très consciemment, on s’attend à le voir arriver une troisième fois. Alors, quand l’épisode utilise deux fois « une personne perd la personne qu’il aime », on s’attend à ce que ça arrive une troisième fois. Robert Berens est un bon scénariste, il sait ce qu’il fait en faisant ça, surtout que la règle de trois, c’est une règle basique d’écriture, si tu ne maîtrises même pas cette règle, tu peux changer de métier. Le parallèle est ultra évident et la connexion se fait toute seule, parce que notre cerveau à tellement l’habitude de cette règle qu’il le fait instinctivement : AU!Charlie perd Stevie, Sam perd Eileen et Dean perd Cas. Et de façon évidente, dans ce parallèle, Dean est dans le rôle de AU!Charlie et de Sam, il est dans le rôle de l’amant qui perd la personne qu’il aime. Donc oui, pour moi, même si l’épisode ne le confirme pas textuellement, la structure le confirme, le sous-texte nous dit que Dean est amoureux de Cas.

Quant au reste de la série, et bien, on est dans une position intéressante parce que les deux derniers épisodes, c’est un peu le bordel. Ce n’est pas un secret, le COVID a changé la fin de la série. Les deux derniers épisodes n’ont pas pu être tournés avant le début de la pandémie, ce qui a retardé la sortie de la seconde partie de la saison 15 et ce qui a forcé les scénaristes à réécrire la fin pour adapter le script aux restrictions liées au COVID. Normal… Sauf que je suis persuadée que les changements ont été influencés par autre chose, même si je ne sais pas pourquoi. Et je ne me base pas que sur la relation entre Dean et Cas pour dire ça, les deux derniers épisodes ignorent de nombreux aspects de la saison 15 pour faire une fin honnêtement assez nulle. Quelques exemples : Billie dit que le livre de Chuck (aka le livre qui dit comment est-ce que Chuck va mourir) a changé mais on n’apprend jamais en quoi et le contenu du livre n’est jamais utilisé pour combattre Chuck ; Eileen disparaît complètement de la série et n’est jamais re-mentionné après l’épisode 18, alors qu’elle est la love interest de Sam et qu’elle a littéralement été ramené à la vie en saison 15 pour cette raison ; pendant toute la saison 15, Jack travaille avec Billie pour tuer Chuck en se transformant en « bombe » (en gros) mais le plan tombe à l’eau à la dernière minute et Billie emmène Jack dans l’Empty pour exploser, ce qui énerve fortement l’entité, qui dit que Jack a rendu l’Empty bruyant (en gros, qu’il a réveillé les démons et les anges présents). On ne revoit jamais l’entité du Empty après « Despair » ; dans « Last Holidays » (épisode 14), Sam et Dean se demandent qui deviendra Dieu si Chuck est vaincu, propose rapidement l’idée que peut-être Jack pourrait être un bon remplaçant avant de dire que l’idée est particulièrement stupide parce que Jack a trois ans mais maintenant, Jack est Dieu ; Amara est établie dans la saison 15 comme l’entité divine qui a eu du développement de personnage et a maintenant une réelle admiration pour la Terre et les humains. Elle disparaît complètement de la série après « Unity » (épisode 17) ; ou encore, Kevin est un fantôme qui erre sur Terre en attendant de devenir fou, puisque c’est le destin de tout les fantômes et on a jamais une ligne de dialogue pour nous dire qu’il a enfin été sauvé et je sais que c’est un détail mais Kevin mérite mieux… Bref, tout ça pour dire, les deux derniers épisodes sont mauvais mais je suis aussi persuadée que le plan a changé entre le tournage de la saison 15 et le tournage de ces deux épisodes. Ça ou les scénaristes sont juste particulièrement incompétents, ce qui est aussi une possibilité, mais j’ai envie de leur donner le bénéfice du doute, au moins un tout petit peu.

Mais bref, on est là pour parler spécifiquement de Dean et Cas, alors parlons spécifiquement de Dean et Cas. Une partie d' »Inherit the Earth » contient toujours des éléments de romance, même si on voit un effort réel de prétendre que la confession n’a jamais eu lieu. Mais on a quand même des scènes comme Sam et Dean qui confrontent Chuck au début de l’épisode et qui demandent à Chuck de ramener tout le monde à la vie en échange de leurs vies. Dean notamment demande à Chuck de ramener « les oiseaux, les gens, Cas », montrant encore une fois que pour Dean, Castiel est une catégorie à lui-seul et qu’il tient à lui énormément : ici, il est prêt à sacrifier sa vie et plus important, celle de Sam, pour sauver l’humanité et sauver Cas. (La question intéressante aurait été de voir comment Dean aurait réagi si Chuck avait dit oui pour l’humanité mais non pour Cas, mais évidemment, Chuck refuse et la question reste donc en suspend). Surtout, on a une scène où Lucifer manipule Dean pour lui permettre d’entrer dans le bunker en utilisant la voix de Cas au téléphone, ce qui est marrant, parce que c’est trois parallèles pour le prix d’un. Vous voyez, Lucifer a une petite habitude qui consiste à prendre la forme d’un conjoint décédé pour convaincre quelqu’un de le « laisser entrer » (normalement de façon plus métaphorique dans le sens où il veut le consentement pour prendre possession d’un corps, ici dans le sens littéral de « rentrer dans le bunker ») : dans « Sympathy for the Devil » (saison 5, épisode 1), il prend la forme de Sarah, la femme de Nick, pour convaincre ce dernier de lui donner son consentement ; dans « Free To Be You And Me » (saison 5, épisode 3), il apparait dans un rêve de Sam pour essayer de le convaincre sous la forme de Jessica ; dans « Mamma Mia » (saison 12, épisode 2), il apparait à Vince, une rock star, sous la forme de sa femme Jen ; et maintenant, il apparait à Dean (vocalement) sous la forme de Cas. Ce qui ajoute à mon argument que Dean est également amoureux de Castiel (puisque vous savez, un parallèle avec un couple romantique ne devient pas magiquement platonique juste parce que d’un coup, c’est deux mecs). Mais en dehors de ça, Cas disparaît complètement de l’histoire. Il est à peine mentionné dans l’épisode 20, dès que Dean a l’opportunité de demander à quelqu’un qui en a quelque chose à faire de ramener Cas à la vie, soudainement, il n’y pense pas… Je remarque aussi que Dean a une réaction beaucoup plus chill à la mort de Cas, quand on compare aux saisons précédentes (particulièrement les saison 7 et 13). Ce qui ne me surprend pas pour être honnête : les saisons précédentes existaient dans l’ambiguïté de queer-baiting/queer-coding. Dean était autorisé à avoir des réactions ultra émotionnelles au point où, encore une fois, il était explicitement suicidaire en saison 13 parce qu’il y avait toujours un déni plausible. La confession de Cas change complètement la donne ici, toute action de Dean vis-à-vis de son deuil sont désormais regardés sous l’angle de la romance. Et comme ils ont décidé de rester ambigu avec Dean (parce qu’encore une fois souvenez vous les enfants, Dieu peut être bisexuel mais pas votre personnage principal, qui est pourtant Juste Un Mec™ et pas, vous savez, Le Dieu de La Bible™), ils ne peuvent pas se permettre d’aller trop loin avec ses signes de deuil : ce qui avant pouvait être vu de façon platonique (l’hétéronormativé est une sacrée drogue), maintenant, les spectateurs seront obligés de se demander « est-ce que c’est un signe que Dean est aussi amoureux de Cas? ».

Donc on est là, à la fin de 15 années de Supernatural et 4 saisons sous la direction d’Andrew Dabb. Et le verdict sur l’aire de Dabb est en demi-teinte. Certes, Destiel n’a jamais été aussi proche de textuellement canon, allant même juste qu’à une confirmation dans le sens de Cas. Mais en même temps, c’est aussi la période de la fin de la série, qui laisse à désirer, sur beaucoup d’aspects mais aussi sur cet aspect là. Et je sais que c’est un peu injuste de le blâmer, c’est celui qui a récupéré la fin, les autres avaient l’avantage de ne pas être le dernier à passer. Ceci dit, les autres n’ont jamais écrit une déclaration d’amour explicite dans un épisode avant d’ignorer son existence dans les deux épisodes qui suivent. Personne n’a forcé Dabb à faire ça, dans un sens comme dans l’autre. S’il voulait faire la déclaration d’amour, grand bien lui fasse mais faut assumer. S’il ne veut pas assumer, il ne fallait pas le faire du tout. Cet entre-deux, c’est 100% son problème, son équipe sous sa direction a choisi de sortir de l’ambiguïté, il faut assumer ça.

Voilà pour le résumé saison par saison et encore, cette façon de faire ne permet pas de tout mettre parce que c’est tellement plus dense que ça et tout ne rentre pas dans ce format. Par exemple, comment expliquer correctement le fait que Dean et Cas ont une façon d’interagir physiquement qui hurle « tension sexuelle » ou « romance » en fonction des situations. Ils sont toujours dans l’espace l’un de l’autre par exemple. Ils échangent toujours des regards ultra intenses, leurs visages toujours ultra proches l’un de l’autres (le gif que j’ai utilisé pour le début de cette partie 2 est un bon exemple, je suis personnellement très fan de l’échange dans « When the Levee Breaks » [saison 4, épisode 21], où Dean et Cas finissent une scène en se regardant ultra intensément dans les yeux pendant 20 secondes et ça coupe alors qu’ils sont toujours en train de se regarder, c’est comique à ce stade). Ou encore comment les deux ont tendance à se toucher de façon très naturelle : Dean va passer derrière Cas et mettre une main sur son épaule ou encore l’un des deux est au sol et l’autre l’aide à se relever et leurs mains restent en contact un peu trop longtemps et beaucoup d’autres moments où l’un d’eux est physiquement pas bien et l’autre se précipite vers lui pour voir ce qui ne va pas, une main sur le bras ou l’épaule ou les deux (si vous voulez 2/3 exemples, lien ici). C’est souvent assez subtile, on ne le mentionne pas, mais c’est assez régulier pour qu’on le remarque. Comment est-ce qu’on explique les choix de jeu de Misha Collins et Jensen Ackles, tous les regards tendres que Cas lance à Dean et que Dean lance à Cas? Comment expliquer que la série filme différemment les moments où Cas soigne Dean et ceux où Cas soignent n’importe quelle autre personne. Déjà, parce que Cas n’a pas besoin de toucher les gens et quand il soigne, on a deux options : soit il les touche du bout de deux doigts, soit il met sa main au dessus de l’endroit qu’il soigne mais il ne touche pas. Mais Dean par contre… Dean, il lui attrape le visage tendrement avec sa main pour le soigner dans « Goodbye Stranger » ou dans « The Future », il met sa main sur le bras de Dean d’une telle façon que leurs mains s’effleurent, ce qui fait une image très romantique (écoutez, quand on parle de romance, les mains, c’est tellement important, pourquoi est-ce que vous pensez que 16 ans après, les gens sont toujours obsédés par le « hand flex » d’Orgueil et Préjugés?). La seule fois où Cas ne touche pas Dean lorsqu’il le soigne, c’est en saison 15, avant leur réconciliation et même là, on a un aspect légèrement romantique (même s’ils sont en colère l’un contre l’autre, Cas prend quand même le temps de guérir Dean). Comment exprimer avec des mots l’intimité qu’il y a entre les deux, où ils ont tendance à partager leurs espaces naturellement : par exemple, Castiel attrape le couteau qui est dans la poche de Dean dans « Despair ». Je n’ai même pas inclue tous les parallèles ou tous les moments où un personnage dit quelque chose qui nous faire comprendre que tout le monde sait que Dean et Cas ont ~quelque chose~ (si vous avez 30 minutes, vidéo ici et si vous n’avez pas 30 minutes à perdre, il y a un thread twitter ici). Ou comment expliquer que plus la relation entre Dean et Cas s’intensifie et plus Dean, qui a été introduit comme une sacrée dragueur, arrête purement et simplement d’avoir des relations sexuelles ou romantiques avec des personnages féminins. Il n’a plus de love interest officiel depuis soit la saison 6 (Lisa) ou la saison 11 (si on est généreux et qu’on compte Amara, ce que je ne fais pas parce que le but de l’intrigue c’est qu’il n’est pas amoureux d’elle et que sa connexion avec Cas est plus forte que celle qu’il a avec Amara, mais à chacun ses opinions). La dernière fois qu’il a eu un coup d’un soir avec quelqu’un à l’écran, c’était en saison 12, épisode 18 « The Memory Remains ». La dernière fois où il a été sous-entendu qu’il a couché avec quelqu’un, c’était dans « Advanced Thanatology », en saison 13 donc, dans l’épisode où sa consommation d’alcool et les relations sexuelles sans conséquences sont présentées comme des moyens pour Dean d’essayer de noyer sa peine à cause de la mort de Cas et que ça échoue violemment (encore une fois, c’est dans cet épisode où il se suicide « pour un enquête » sauf qu’il veut un peu mourir quand même). Alors que sa relation avec Cas devient de plus en plus intense et intime, Dean a de moins en moins d’intrigue tournant autour de la romance ou du sexe. Et on peut dire que c’est parce que la série n’est pas sur ça et c’est vrai mais Sam pendant ce temps là a eu plusieurs love interests (Amelia en saison 8 ; Eileen en saison 11/12 et ensuite en saison 15 ; et on pourrait faire un argument pour Rowena, c’est jamais explicitement dit mais il y a du sous-texte romantique et sexuel entre eux et une lecture romantique de leur relation est parfaitement plausible et valide, même si une lecture platonique l’est également). Alors que Sam est autorisé à former une forte relation romantique avec Eileen, Dean a Cas, son meilleur ami totalement platonique avec qui il vit et avec qui il a deux enfants (Claire et Jack). La vibe entre Dean et Cas est tellement pas platonique, même si la série ne le dit pas ouvertement avant la fin de la saison 15.

Donc oui, Destiel c’est beaucoup de choses : c’est l’intrigue, c’est les choix des acteurs, les choix des réalisateurs mais surtout, c’est intentionnel. Pas dès le départ, au début, c’était un accident parce que Kripke et son équipe n’ont pas compris que remplacer la love interest par Cas sans changer l’intrigue allait mettre un aspect romantique à la relation. Mais au bout d’un moment, c’est volontaire, d’abord de façon bonne enfant, puis plus agressivement pour le marketing et enfin, dans un mix entre une volonté sincère de rendre la relation romantique et le marketing. Mais on sait qu’ils l’ont fait exprès et qu’ils n’ont jamais osé aller jusqu’au bout. On a une confession, canoniquement, qu’ils ont essayé d’effacer de la série immédiatement après (on remarque que si la mort de Cas est mentionné dans les récaps des épisodes 19 et 20, la confession ne l’est pas) et Dean n’est jamais autorisé à avoir une forme de conclusion lorsque son meilleur ami est mort parce qu’il était amoureux de lui (il n’est pas autorisé à dire qu’il est aussi amoureux de lui, il n’est pas autorisé à se sentir coupable que son meilleur ami est mort parce qu’il était amoureux de lui indépendamment de ses sentiments pour Cas…). A la fin, on revient au même problème : on a deux publics radicalement différents et ils ont essayé de faire plaisir à tout le monde. Le problème étant qu’essayer de faire plaisir à tout le monde, c’est le meilleur moyen de faire plaisir à personne. Les gens qui aiment la relation entre Dean et Cas ne sont pas contents parce que la confession n’a aucun impact sur Dean ou l’intrigue et parce qu’on n’a jamais de résolution (et accessoirement aussi parce qu’ils sont fan du couple ensemble, pas d’une confession à sens unique ou sans réponse). Et bien sûr qu’il n’y a pas de résolution : la seule solution logique avec l’histoire qu’ils racontent depuis la saison 4 n’aurait pas plu à l’autre partie du public, ceux qui sont contre la relation (en général par homophobie, je connais personne qui n’est pas homophobe et qui aurait fait un scandale pour une relation entre eux. Ne pas aimer la relation? Pourquoi pas, chacun ses goûts. Dire que ça aurait gâché la série? Peut-être que tu devrais prendre 30 secondes pour te demander pourquoi tu penses qu’une relation romantique entre deux hommes aurait gâché l’histoire…). Et les gens qui aiment les bonnes intrigues ne sont pas contents parce que l’intrigue est nulle (bah oui, sortir une bombe comme ça et ne lui donner aucune résolution, ça a tendance à être frustrant).

Ceci étant dit, je pense que tout ce bordel montre au moins une chose: les personnes qui prennent les décisions n’avaient aucun respect pour la partie du public qui apprécie Dean/Cas, qui non seulement est une partie non négligeable du public (la raison pour laquelle la queerbaiting est devenu ce qu’il est devenu, c’est bien parce que c’est une partie assez importante pour le justifier) mais qui est aussi un public majoritairement féminin et/ou queer. Il suffit de voir les interviews des personnes en charge pour se rendre compte que s’ils n’avaient clairement aucun scrupule à utiliser la relation entre Dean et Cas pour les vues, ils n’avaient aucune intention d’aller jusqu’au bout en les rendant canon et que la confession de Cas est déjà bien assez pour les fans. Et là, je ne vais pas mâcher mes mots, c’est 100% une question d’homophobie : ils n’ont aucun problème à manipuler des fans pendant des années (ils ne le diront pas comme ça, ils n’admettent même pas l’avoir fait même si je pense que l’article a assez démontré que si, ils l’ont fait et la confession de Cas est une admission en soi) mais l’idée de le faire pour de vrai est inconcevable. Ils préfèrent garder un public plus conservateur (parce que bon, ils ont quand même utiliser la diffusion du final pour faire la promo de la nouvelle série de Jared Padalecki et clairement, ils ont conscience que Walker a plus de chance vers le public conservateur) et donc un public souvent assez homophobe, que d’aller jusqu’au bout de leur connerie. La confession de Cas, c’est des miettes qu’ils ont lancé à l’autre partie du public et ils s’attendent presque à ce qu’on soit redevable pour le peu qu’ils ont fait. Ok pour la déclaration d’amour mais on va prétendre qu’elle n’existe pas et on va jouer la carte de l’ambiguïté parce qu’on va quand même pas dire officiellement que Dean, un de nos deux personnages principaux, est pas hétéro. Ma petite satisfaction personnelle dans tout ça, c’est qu’ils ont choisi l’ambiguïté et non le déni pur et simple mais probablement pas pour les raisons que vous pensez. L’ambiguïté, c’est un aveu d’échec de leur part : ils savent ce qu’ils ont mis dans la série et ils savent qu’à ce stade, il n’y a pas 50 000 options possibles. On ne peut pas écrire 12 ans de queerbaiting entre deux personnages sans qu’au bout d’un moment, tu perdes le contrôle de l’histoire. Quand tu queerbait pendant aussi longtemps, il y a un moment où tu atteint le point de non retour, surtout quand derrière il y a aussi des gens dans ton équipe qui veulent rendre la relation canon et font exprès d’aller aussi loin qu’ils peuvent se le permettre. Supernatural l’a atteint il y a longtemps (honnêtement, je dirais qu’ils l’ont atteint dès la saison 8). Et donc, ils ne pouvaient pas dire que Dean était hétéro et pas amoureux de Cas sans créer une dissonance cognitive de la taille du Kansas. Ils ne pouvaient pas écrire des choses comme le purgatoire en saison 8, la crypte en saison 8, le parallèle Caïn/Colette, « l’arc du veuf » en saison 13 ou encore le putain « d’arc du divorce » en saison 15 et ensuite prétendre que Dean n’était pas amoureux de lui sans que ça semble étrange. Et je sais ça parce que s’ils pouvaient le faire, ils l’auraient fait. Les 3 derniers épisodes prouvent qu’ils se fichent de cette partie des fans et de la représentation dans leur série. S’ils pouvaient écrire logiquement que Dean n’était pas amoureux de Cas, Dean aurait pu réagir émotionnellement à la mort de Cas. Il aurait pu exprimer de la culpabilité parce que Cas est mort à cause de lui, parce qu’il a créé la situation dangereuse dans un premier temps et parce que le « moment de bonheur » de Cas c’était lui dire qu’il l’aimait et il ne pouvait même pas le dire en retour. Pour que Dean ait une fin satisfaisante dans la série, il fallait lui permettre d’adresser la mort de Castiel à voix haute et lui permettre de faire son deuil parce que même s’il n’était pas amoureux de lui, c’était quand même son meilleur ami et ça compte pour quelque chose, surtout pour quelqu’un comme Dean, pour qui la famille est le plus important et Cas faisait partie de cette famille depuis très longtemps. Mais ils n’ont pas fait ça. A la place, Dean n’en parle pas, Dean ne peut pas être trop triste parce que s’il est trop triste, les gens vont penser qu’il est amoureux de Cas. Dean meurt parce qu’on ne peut pas adresser son futur sans adresser ce qu’il a perdu et on ne peut pas adresser ça sans parler de l’éléphant dans la pièce qu’est la confession de Cas et on ne peut pas adresser ça sans adresser les sentiments de Dean pour Cas. Donc à la place, on le tue, en l’envoie au Paradis où il ne peut toujours pas voir Cas (même si on nous dit textuellement qu’il est en vie, en train de faire des Choses Importantes™) parce que s’il pouvait voir Cas, il faudrait mentionner la confession. Et on ne peut pas adresser tout ça parce qu’il n’y a légitimement qu’une seule réponse à ce stade : Dean est aussi amoureux de Cas que Cas est amoureux de Dean. Ils savent qu’ils ont écrit une histoire d’amour et plus important, une histoire d’amour mutuelle. Ils savent que Cas est l’une des personnes les plus importantes dans la vie de Dean (honnêtement, la seule personne plus importante c’est Sam) et ils savent que Cas ferait tout pour Dean. On regarde une histoire où Dean s’écroule à chaque fois qu’il perd Cas, une histoire où Cas est prêt à trahir tout ce qu’il a connu parce que Dean lui a demandé, une histoire où Dean et Cas jouent le rôle de parents pour deux jeunes (Claire et Jack). La relation est tellement importante qu’ils ne pouvaient même plus donner de love interest à Dean parce que tout love interest pour Dean devra rivaliser avec sa relation avec Cas et ce n’était plus possible. S’il avait été possible pour eux d’affirmer, de façon crédible, que Dean était hétéro après la confession, ils l’auraient fait sans la moindre hésitation. Vraiment, vous pensez ce que vous voulez de la relation, si vous pensez sincèrement qu’il n’y a pas d’élément de romance entre eux, que Dean et Cas ont une relation purement platonique ou que vous pensez que Dean n’est pas autant amoureux de Cas que Cas est amoureux de Dean, vous êtes dans le déni. Parfois, je suis désolé de vous le dire, les gens ont juste tort. Si vous pensez qu’il n’y a pas de romance entre eux (même si la romance a commencé accidentellement et a été continué pour des raisons cyniques et mercantiles), vous ne regardez pas la série comme elle est écrite. Si l’un des deux personnages était une femme et les scénaristes avaient écrit le tiers de ce qu’ils ont écrit pour eux, tout le monde l’aurait vu. La raison pour laquelle la confession n’est plus mentionnée après l’épisode 18 c’est parce que Dean est amoureux de Cas et qu’ils ne voulaient pas gérer les conséquences. Maintenant, qui est « ils », c’est la question à 1 million de dollars : les producteurs de la série? Les gens qui prennent les décisions à la CW? Qui sait. Quelqu’un ne voulait pas prendre le risque alors ils l’ont effacé. Aussi simple que ça.

Conclusion

Et donc, avec tout ça, on revient au problème de base : la représentation queer dans Supernatural. Je pense que le verdict n’est pas glorieux. Alors certes, critiquer la série pour une mauvaise représentation dès le début en 2005 serait injuste. C’est chouette de se dire qu’on vit dans le meilleur des mondes où tout le monde est gentil mais le fait est, We LiVe iN a SoCiEtY et l’homophobie existe. La série a commencé en 2005, une époque pas si lointaine que ça mais si on parle de représentation queer, on est a des années lumières. Ceci dit, si ce contexte historique explique certaines choses, il n’excuse pas tout. Supernatural a été sur nos écrans pendant 15 saisons, jusqu’en 2020 et la société a évolué entre temps sur la question de la représentation des personnes et des relations queers à l’écran. On a des séries comme Glee ou Modern Family qui ont eu un énorme impact sur le public et l’industrie. De façon générale, avoir de la diversité dans les médias est beaucoup plus normal aujourd’hui, même s’il y a encore des progrès à faire. Et sur cet aspect là, clairement Supernatural a refusé d’évoluer avec son temps : le cast ne s’est jamais diversifié (majoritairement masculins, blancs et jusqu’à l’épisode 18 [sur 20] de la dernière saison, hétéros). Par certains aspects, la série a parfois été presque révolutionnaire, avec des personnages comme Crowley ou Charlie mais le tout est atténué par le traitement de ces personnages, qui sont diabolisés ou tués de façon violente pour faire avancer l’intrigue des personnages principaux. De plus, si la série n’a jamais hésité à aller à fond dans le queerbaiting, notamment avec Dean et Cas, afin de garder un public assoiffé de représentation, il est évident que le procédé était au final malhonnête et que certaines personnes derrière la caméra se fichaient complètement de ce groupe de fans. Je ne dirais pas que les créateurs étaient homophobes, je ne connais pas ces gens : je dirais en revanche qu’ils ont été profondément cyniques. Ils ont continué à attirer un public qu’ils n’avaient jamais l’intention de satisfaire et je trouve ça beaucoup plus difficile à pardonner qu’un manque de représentation en 2005.

C’est vraiment dommage ceci dit, parce que la série avait du potentiel. La série aurait sincèrement pu rentrer dans l’histoire si les créateurs ou les producteurs avaient été un peu plus courageux et prêts à évoluer avec l’époque. En 15 ans, la série a eu le temps de changer, d’inclure plus de diversité, plus de personnages féminins, de personnages non blancs et oui, plus de personnages queers. La dernière saison aurait pu laisser un impact énorme en rendant Destiel canon, en faisant ainsi de deux de ses personnages principaux des personnages non-hétéros. Mais plus que ça, en faisant quelques choses que beaucoup de séries ont encore du mal à faire : rendre Dean et Cas canoniquement queers aurait permis d’avoir deux personnages queers qui sont extrêmement complexes, dont la sexualité n’est pas leurs seuls traits de personnalités, quelques choses que pas mal de scénaristes ont encore du mal à faire, surtout dans les séries grand public (looking at you Riverdale). Mettre Dean et Cas en couple aurait été sincèrement révolutionnaire : des relations slow burn et compliquées comme celle de Dean et Cas sont monnaie courante pour les couples hétéros (Mulder et Scully dans X-Files par exemple) mais pour les couples queers, c’est encore rare. Supernatural aurait pu partir sur un énorme coup de maître. A la place, Supernatural est mort comme Supernatural a vécu : plein de potentiel gâché.

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